Le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) est soulagé d’apprendre que, dans un jugement rendu hier, la Cour d’appel du Québec a tranché en faveur du gouvernement québécois dans une étape du litige l’opposant à des entreprises pétrolières et gazières. Celles-ci souhaitent maintenir leurs puits ouverts pendant la durée du dossier devant les tribunaux.
La Cour d’appel a rappelé que la Loi visant à mettre fin à la recherche et à la production d’hydrocarbures est présumée avoir été adoptée par l’Assemblée nationale dans l’intérêt public, incluant les dispositions qui obligent les entreprises de l’industrie fossile à fermer leurs puits. Elle renverse donc le jugement de la Cour supérieure du 25 janvier 2024 qui suspendait l’effet de ces articles de loi. Le résultat est que les entreprises doivent réaliser dès maintenant les étapes prévues par la loi visant la fermeture des puits.
Pour rappel, le CQDE est intervenu dans cette saga afin de faire entendre une voix citoyenne indépendante.
Petit historique :
- 2018: L’entrée en vigueur de la Loi sur les hydrocarbures et de ses règlements d’application restreint les activités d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures. Certaines pétrolières et gazières titulaires de licences intentent alors des premières procédures judiciaires contre le gouvernement en raison de ces restrictions, réclamant des dommages-intérêts.
- Les entreprises « allèguent collectivement être titulaires de 101 licences d’exploration et de production et posséder 53 puits forés en vertu de […] licences » délivrées en vertu de la Loi sur les hydrocarbures (par. 16 du jugement).
- 2022: La Loi visant à mettre fin à la recherche et à la production d’hydrocarbures vient interdire les activités d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures sur tout le territoire du Québec, révoque les licences des entreprises et oblige le gouvernement à établir un programme d’indemnisation, que le gouvernement annonçait être de l’ordre de 100 millions $. Les entreprises ne se sont pas prévalues de ce programme.
- 2022: Devant les tribunaux, les entreprises contestent ensuite la constitutionnalité de plusieurs articles de cette loi, invoquant l’article 6 de la Charte québécoise qui protège le «droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi», et arguant qu’elles auraient fait l’objet d’une « expropriation déguisée ».
- C’est dans le cadre de ce dossier qu’elles demandent à la Cour de suspendre l’effet des articles de la loi qui les obligent à fermer leurs puits. Cette suspension est demandée au stade préliminaire, avant l’audience au fond, pour que les entreprises ne soient pas obligées de fermer leurs puits pendant que le dossier chemine devant les tribunaux.
- 2024: Le 25 janvier 2024, la Cour supérieure leur accorde cette suspension.
- 2024: Le gouvernement a porté cette décision en appel (sur permission, accordée le 17 avril 2024). L’audience s’est tenue le 10 octobre 2024.
- 2025: C’est le jugement sur cet appel qui a été rendu le 22 mai 2025.
- 2025: Le 19 juin 2025, les entreprises soumettent à la Cour suprême du Canada une demande d’autorisation d’appel de ce jugement du 22 mai de la Cour d’appel. Elles demandent également la suspension de l’effet de ce jugement de la Cour d’appel durant le déroulement du dossier de la Cour suprême. La Cour suprême décidera prochainement de ces deux demandes.
Outre la fermeture des puits, voici les principales prochaines étapes possibles:
- D’ici la fin de l’année 2025 si toutes les étapes procédurales se succèdent sans trop d’anicroches, les entreprises et le gouvernement devraient avoir terminé de préparer le dossier et seront prêts à demander une date d’audience sur le fond de la question constitutionnelle.
- Cette audience sur le fond devrait avoir lieu au plus tôt en 2026 ou en 2027, suivie d’un jugement en principe dans les six mois suivants.
- L’une ou l’autre des parties pourrait en principe tenter de porter en appel cet éventuel jugement.
- Si cet éventuel jugement conclut que la loi mettant fin aux activités d’hydrocarbures est inconstitutionnelle, le dossier devra suivre son cours pour établir si les entreprises ont droit à des indemnisations et des dommages-intérêts, et si oui, établir ces montants. Le cas échéant, ce volet du dossier risque de durer au minimum plusieurs mois, possiblement plusieurs années.
Le CQDE salue l’aplomb avec lequel le gouvernement défend cette loi, laquelle a été proposée après la publication du rapport de recherche du CQDE en juin 2021.