Début - Mai 2023
Fin - Décembre 2023
Statut - Victoire

L’expropriation est souvent confondue avec les pouvoirs de limiter les usages d’une propriété, dont les pouvoirs de conservation des milieux naturels. L’absence de balises juridiques claires freine les efforts de conservation des organismes publics, notamment des municipalités, et entraîne, par des indemnités prohibitives accordées, un transfert des fonds publics vers des intérêts privés, souvent investisseurs ou promoteurs, au détriment de l’environnement, de notre territoire et des collectivités.  

De septembre à novembre 2023, l’Assemblée nationale a étudié un projet de loi d’importance majeure pour la transition écologique: le projet de loi 22 – Loi concernant l’expropriation. L’objectif annoncé de cette réforme est notamment d’encadrer le phénomène de l’expropriation déguisée  et l’indemnisation des propriétaires visés par une expropriation, déguisée ou non.

Enjeux

En l’absence de balises légales claires pour définir la notion d’expropriation déguisée engendre une grande imprévisibilité juridique. Cette incertitude encourage le dépôt de nombreuses poursuites judiciaires, alimentant une situation déjà explosive en milieu municipal, tout particulièrement en matière de conservation. Les poursuites toujours plus nombreuses visant les municipalités sont aujourd’hui estimées minimalement à un milliard de dollars de fonds publics en demande d’indemnisation. 

Ce contexte explosif pose un risque de transfert considérable de fonds publics vers des intérêts privés et de paralysie des pouvoirs de conservation essentiels pour répondre à l’urgence climatique et à la perte de la biodiversité.

Position du CQDE

Le CQDE s’inquiète de ce projet de loi qui passe complètement sous silence l’urgence de se doter  de balises légales claires. Il puisqu’il  ne répond finalement  ni aux problématiques actuelles entourant l’expropriation déguisée, ni à la question des indemnisations. Plutôt que d’aider les municipalités, il risque au contraire de leur nuire, voire d’augmenter le risque de poursuites judiciaires.

La version présentée du projet de loi 22 induit aussi un important déséquilibre entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif sur la question des indemnisations.

Le CQDE dénonce également l’absence de rétroactivité du projet de loi 22, alors que l’Assemblée nationale dispose du plein pouvoir d’agir sur les recours pendants. Pire encore, le projet de loi 22 prévoit un délai de grâce de 6 mois à compter de sa sanction pour entreprendre un recours judiciaire en vertu de l’ancien régime légal, imprévisible et plus favorable aux investisseurs et aux promoteurs.

 « Au lieu de répondre au cri d’alarme des municipalités et des citoyen·nes, le projet de loi 22, dans sa forme actuelle, constitue un recul majeur pour la conservation des milieux naturels et accentue le risque de poursuites judiciaires. » – Merlin Voghel, avocat au CQDE.

Nos actions

Notre objectif premier était que le projet de loi replace l’environnement et l’intérêt collectif au cœur des préoccupations en matière de conservation, de protection de l’environnement et de lutte contre les changements climatiques.

Pour faciliter la compréhension de ces enjeux d’importance pour la transition écologique, et favoriser la participation de tous·tes aux consultations,  le CQDE a enregistré deux webinaires, disponibles en rediffusion :

Le 20 septembre, dans le cadre des consultations particulières, le CQDE a porté devant l’Assemblée un message clair : en matière d’expropriation, la conservation doit être au cœur de nos préoccupations. Par le dépôt d’un mémoire, nous avons soumis 4 recommandations de modifications au projet de loi pour atteindre ce résultat : 

  • Unifier sous une même loi les enjeux d’expropriation en conservation
  • Mieux encadrer l’expropriation déguisée
  • Mieux encadrer les indemnisations
  • Donner une portée rétroactive au projet de loi

Pour prendre connaissance de notre mémoire présenté en commission parlementaire.

Résultats

Adopté fin novembre 2023, le projet de loi 22 manque sa cible. Malgré certaines avancées en matière d’indemnisation pour expropriation, la nouvelle loi ne répond pas à la problématique de l’expropriation déguisée en contexte de conservation et n’offre aucune réponse aux recours judiciaires entrepris contre les municipalités.

Par le biais d’une lettre, le CQDE appelle le premier ministre, la ministre des Transports, la ministre des Affaires municipales, et le ministre de l’Environnement, à la cohérence gouvernementale en matière d’expropriation déguisée. L’urgence de se doter de moyens pour répondre à la crise climatique et à la perte de la biodiversité appelle à un effort concerté et immédiat de l’ensemble de l’Administration publique. 

Bonne nouvelle! Le projet de loi 39 sur la fiscalité municipale adopté en décembre 2023 permet d’écarter l’application du concept d’expropriation déguisée lorsqu’un acte municipal valide a pour objet d’assurer la conservation des milieux hydriques ou humides ou de milieux naturels à valeur écologique importante.

Le CQDE salue la réponse législative adoptée. Il s’agit d’un pas majeur en matière de conservation des milieux naturels au Québec! Le message envoyé par ce projet de loi est clair : lorsqu’il est question de protéger les milieux naturels, la spéculation immobilière n’a pas sa place.