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La Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé a été adoptée le 13 juin 2023. Ces changements modernisent considérablement la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) pour la première fois depuis son adoption, il y a plus de 20 ans.
Lors de son adoption en 1999, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE) a été un outil important pour favoriser la protection de la santé des Canadien·nes et de l’environnement. C’est notamment cette loi qui a permis l’interdiction de l’amiante, une substance toxique pouvant causer, par son exposition, le cancer et plusieurs autres maladies.
Après 22 ans, cette loi nécessitait une modernisation afin de suivre les avancées scientifiques concernant les polluants retrouvés au Canada. C’est dans ce contexte qu’a été adopté le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), apportant des modifications connexes à la Loi sur les aliments et drogues et abrogeant la Loi sur la quasi-élimination du sulfonate de perfluorooctane.
Les principales modifications apportées par cette Loi ont pour effet d’octroyer de nouveaux droits aux Canadien·nes, de détailler la mise en œuvre de ces droits et de prévoir l’implication renforcée de la population dans les processus décisionnels.
Reconnaissance du droit à un environnement sain
L’une des modifications les plus importantes apportées à la LCPE pour les droits des Canadien·nes est la reconnaissance du droit à un environnement sain . Normalement, ce droit, a pour objet de reconnaître à tout individu le droit de bénéficier d’un air pur, d’un climat sûr, d’un accès à de l’eau potable, d’un environnement de vie non-toxique et d’évoluer dans des écosystèmes sains et forts d’une biodiversité en santé..
La portée de ce droit au Canada demeure toutefois à définir. En effet, la Loi prévoit que le cadre de mise en œuvre sera défini dans les deux prochaines années, c’est-à-dire de quelle manière s’exercera ce droit. Ce cadre devra être élaboré en tenant compte, entre autres, des principes de la non-régression, de l’équité intergénérationnelle et des principes de justice environnementale. Ce dernier principe reconnaît notamment l’existence de la distribution inéquitable des ressources et des risques environnementaux, comme les espaces verts ou la pollution. Le cadre précisera également comment sera mis en balance le droit à un environnement sain face à divers facteurs sociaux, économiques, scientifiques et relatifs à la santé, en tenant compte de la nécessité de protéger les communautés plus vulnérables.
Pour en savoir plus sur le droit à un environnement sain au Canada et dans le monde, consultez notre article Obiterre qui y est dédié.
Renforcement de la protection des populations vulnérables
Les changements apportés à la LCPE consolident les obligations du gouvernement de veiller sur les populations vulnérables et, plus précisément, de protéger leur santé des aléas de l’environnement.
À cet effet, la LCPE reconnaît l’existence, au Canada, de groupes plus vulnérables, exposés de manière disproportionnée aux effets nocifs de l’environnement. Le gouvernement canadien doit ainsi faire usage de ses pouvoirs de manière à préserver l’environnement et la santé des individus et plus spécifiquement celle des personnes vulnérables. Conformément à la Loi, la prise en compte de cette nécessité de protection doit s’affirmer non seulement dans le cadre de mise en œuvre du droit à un environnement sain, mais aussi dans l’ensemble des décisions du gouvernement fédéral en vertu de la LCPE.
La vulnérabilité liée à la sensibilité et l’exposition
La LCPE définit désormais une population vulnérable comme étant un « groupe de particuliers au sein de la population du Canada qui, en raison d’une plus grande sensibilité ou exposition, peut courir un risque accru d’effets nocifs sur la santé découlant de l’exposition à des substances». Il est question de sensibilité lorsque la biologie d’une personne met sa santé davantage à risque, comme dans le cas d’une personne âgée, d’un nouveau-né ou encore d’une femme enceinte. Pour ce qui est de l’exposition, elle fait plutôt référence aux individus qui sont exposés à des substances toxiques et nocives pour la santé humaine, notamment en raison de l’endroit où ils résident, des lieux qu’ils fréquentent ou des aliments qu’ils consomment. À titre d’illustration, les sols procurant les aliments traditionnels à certains peuples autochtones peuvent être hautement pollués et rendre ainsi ces personnes plus vulnérables aux substances polluantes.
La vulnérabilité liée à des zones géographiques
De plus, des règlements pourront être adoptés pour des zones géographiques spécifiques. Ces règlements pourraient cependant s’attaquer à la problématique des espaces où l’atmosphère est hautement polluée. Par exemple, dans certaines zones métropolitaines, la circulation automobile crée des zones importantes de pollution dommageable pour la santé.
Vers une plus grande justice environnementale
La justice environnementale fait partie des principes devant guider la mise en oeuvre du droit à un environnement sain. D’ailleurs, le projet de loi C-226 intitulé Loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale est présentement étudié par le Sénat. Ce projet de loi propose de mettre en place une stratégie nationale afin de faire avancer la justice environnementale et, par la même occasion, de contrer le racisme environnemental qui repose sur le fait qu’un nombre disproportionné de personnes qui vivent dans des zones qui présentent un danger sur le plan de l’environnement font partie d’une collectivité autochtone, racialisée ou autrement marginalisée.
Mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
Les changements législatifs visent aussi la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits de peuples autochtones. Le préambule de la LCPE contient dorénavant un engagement du gouvernement du Canada à mettre en œuvre la Déclaration, «y compris le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause».
Cet engagement s’ajoute à la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée en 2021, qui vise la mise en oeuvre des objectifs de la Déclaration au Canada. Parmi les droits énoncés dans la Déclaration, que le Canada doit respecter puisqu’il y a adhéré, on retrouve notamment le droit à la préservation et à la protection de l’environnement. Ce droit prévoit, entre autres, « qu’aucune matière dangereuse ne soit stockée ou déchargée sur les terres ou territoires des peuples autochtones sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ».
Renforcement de la gestion des substances toxiques
La LCPE a pour fonction de régir les substances toxiques au Canada en prévoyant différents mécanismes et processus permettant d’encadrer leur évaluation, leur classification et leur utilisation. L’un de ces mécanismes est la liste des substances toxiques, qui contient notamment l’amiante, le plomb, le mercure ainsi que les rejets des usines de pâte blanchie. La Loi reconnaît aussi une évolution de la toxicité des substances fondée sur la notion de risque, de même qu’un droit, pour le public, de demander l’évaluation de certaines substances.
Le Plan des priorités de gestion des produits chimiques
La Loi modernisant la LCPE prévoit la modification et le renforcement de la classification des substances sur la liste par l’élaboration d’un Plan des priorités de gestion des produits chimiques ciblant les substances détenant un niveau de risque élevé. Afin de constituer ce plan et de le mettre en œuvre, le gouvernement a la possibilité de consulter certaint·es intervenant·es et partenaires intéressé·es tel que les peuples autochtones, les représentant·es de l’industrie et les municipalités.. Il a également l’obligation de publier le projet de ce plan de façon à ce que quiconque puisse soumettre ses observations.
Par l’entremise de ce processus de consultation du grand public, toutes questions et observations seront prises en compte par le gouvernement et une attention particulière devra être accordée aux populations vulnérables.
Une approche fondée sur le risque
Les modifications apportées à la LCPE permettent aussi au gouvernement de prioriser, par approche fondée sur le risque, l’évaluation et la gestion des substances. Cette approche permet d’évaluer prioritairement les substances qui, par leur utilisation ou leurs effets, semblent poser un risque plus important pour la population ou l’environnement.
Pour ce faire, certains facteurs seront désormais pris en considération, tels que leurs effets sur les populations vulnérables et leurs propriétés , comme leur cancérogénicité, neurotoxicité ou leur et la capacité des substances à perturber les systèmes reproductifs. Leur effets néfastes sur l’environnement seront aussi considérés.
Renforcement du processus d’évaluation des substances toxiques
La Loi prévoit une toute nouvelle disposition qui permettrait aux Canadien·nes de demander qu’une substance soit évaluée par le gouvernement (article 20 PL S-5).
Lors de cette évaluation, les renseignements et données disponibles sur toute population ou tout environnement vulnérable à la substance sont pris en compte par le gouvernement. Les effets cumulatifs sur la santé humaine et sur l’environnement que l’exposition à la substance peut entraîner seront également inclus dans cette évaluation. Ainsi, ces ajouts au processus d’évaluation permettent d’assurer une plus grande représentativité des populations vulnérables et des enjeux auxquels elles font face.
Modification à la Loi sur les aliments : favoriser la santé des Canadien·nes une étiquette à la fois
La Loi apporte aussi des modifications à la Loi sur les aliments et les drogues et reconnaît l’importance pour les Canadien·nes d’obtenir des renseignements sur les risques que présentent les substances toxiques pour leur santé.
L’étiquetage, utilisé comme stratégie de communication des risques, est conséquemment renforcé et étendu à un plus grand nombre de substances et de produits. Ces modifications favorisent une meilleure identification des produits ciblés par la LCPE afin d’informer les Canadien·nes et de mieux protéger leur santé.
En somme, la modernisation de la LCPE confère davantage de protections à l’environnement et à la santé des Canadien·nes en prévoyant les bases d’un droit à un environnement sain, en plus de permettre une implication accrue de la population dans les processus d’évaluation, de gestion et d’étiquetage des substances toxiques.
Pour aller plus loin
Le droit à un environnement sain – Obiterre
Rapport – Pour une justice environnementale québécoise : réalités, arguments, pistes d’action