Les territoires incompatibles avec l’activité minière

Au Québec, les compétences municipales relatives à l’activité minière sont limitées. Toutefois, en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, les municipalités régionales de comtés (MRC) jouent un rôle important dans la délimitation des territoires qui peuvent ou non faire l’objet d’exploration et d’exploitation minière.

Les MRC peuvent notamment influencer le développement minier sur leur territoire par le biais de deux mécanismes : 1) la délimitation des périmètres d’urbanisation, et 2) la désignation de territoires incompatibles avec l’activité minière

Cela s’ajoute aux terrains privés qui, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des périmètres d’urbanisations, sont soustraits à l’activité minière. En effet, depuis le 28 mai 2024, il n’est plus possible de désigner de nouveaux claims miniers sur un terrain privé

Les populations locales ont intérêt à connaître ces mécanismes pour mieux comprendre et participer aux décisions concernant le développement minier sur leur territoire.  

Notons que le terme «claim» a été remplacé par «droit exclusif d’exploration» dans la Loi sur les mines en 2024. Dans cet article Obiterre, nous utiliserons tout de même le mot «claim» afin de simplifier la lecture.


Qu’est-ce qu’un TIAM ?

Les territoires incompatibles avec l’activité minière (TIAM) sont des portions de territoire à l’extérieur des périmètres d’urbanisation, désignées par les MRC pour être soustraites aux activités minières parce que la viabilité des activités qui s’y déroulent serait compromise par les impacts engendrés par l’activité minière. 

Cette délimitation est un processus volontaire par lequel la MRC soupèse plusieurs enjeux d’aménagement du territoire et intègre les préoccupations de la communauté dans la planification de l’utilisation future des terres.  

Comment désigner un TIAM ?

  • La désignation d’un TIAM est inscrite dans le schéma d’aménagement et de développement de la MRC. Comme la majorité des modifications au schéma d’aménagement, cette décision doit faire l’objet d’une consultation publique. 
  • Cette inscription dans le schéma d’aménagement doit être approuvée par le ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF) en plus du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH), via un «avis de conformité». Ces ministères vérifient la conformité du TIAM avec les orientations gouvernementales, comme il est expliqué ci-dessous. Il est donc judicieux pour la MRC d’entrer en communication avec le ministère dès le début de la démarche.
  • La désignation du TIAM doit finalement s’accompagner d’un avis au Registre des droits miniers, réels et immobiliers (RDPRM) pour avoir un effet à l’égard des autres personnes

Ainsi, ce n’est que lorsque le TIAM est approuvé par les ministères, inscrit au schéma d’aménagement et inscrit au RDPRM que la soustraction aux activités minières prend tous ses effets. À partir de ce moment, il n’est plus possible pour quiconque d’y obtenir de nouveaux claims et de réaliser des projets miniers. 

Pendant le cheminement de leurs projets de TIAM, les MRC peuvent également demander au MRNF de suspendre temporairement la possibilité pour quelqu’un d’obtenir de nouveaux claims miniers sur les terrains visés. Cette suspension prend la forme de l’inscription, par le ministre, d’un avis au registre public des droits miniers, réels et immobiliers. 

Contrainte à la désignation d’un TIAM : le gouvernement doit la juger conforme aux orientations gouvernementales

La désignation d’un TIAM est sujette à l’approbation discrétionnaire du gouvernement. Si une MRC prévoit identifier un ou plusieurs TIAM dans son schéma d’aménagement, elle doit préparer une démonstration étoffée car elle devra obtenir leur approbation du MRNF et du MAMH.  Ceux-ci vérifient la conformité aux orientations gouvernementales en aménagement du territoire (OGAT).

Les OGAT sont des composantes essentielles du cadre instauré par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et constituent les objectifs que poursuit le gouvernement en matière d’aménagement du territoire. Ainsi, les ministères vérifient si la désignation du TIAM par la MRC permet de :

  • Protéger les activités dont la viabilité serait compromise par les répercussions engendrées par l’activité minière en fonction des utilisations du territoire et des préoccupations du milieu;
  • Favoriser la mise en valeur des ressources minérales par l’harmonisation des usages;

Pour faire cette démonstration aux ministères, la MRC doit notamment exposer en quoi les activités se déroulant sur un territoire justifient que ce dernier soit déclaré incompatible avec l’exploitation minière. Il pourrait par exemple s’agir d’activités de villégiature, d’un site patrimonial autochtone, d’activités agricoles, de sites de conservation ou de sources d’eau potable. Selon les OGAT, l’activité doit présenter un intérêt pour la collectivité et doit être difficilement déplaçable. 

La MRC doit également démontrer qu’elle a pris en compte les droits miniers existants sur son territoire. Elle commence par consulter les répertoires de titres miniers (SIGÉOM et GESTIM) afin d’identifier et de cartographier les droits miniers actifs ou en traitement sur son territoire. Cela comprend entre autres les mines actives, les claims miniers, les carrières et les sablières.

Notons que la MRC ne peut pas, via la désignation de TIAM, soustraire à l’activité minière l’ensemble de son territoire situé à l’extérieur de ses périmètres urbains. 

La participation citoyenne, un élément clé 

Pour se conformer aux OGAT, la MRC doit prévoir une concertation de l’ensemble des acteurs concernés et viser la conciliation de leurs enjeux respectifs. De plus, rappelons que tant la désignation des périmètres d’urbanisation que celle d’un TIAM se fait par modification du schéma d’aménagement, et que dans ce processus, la MRC doit tenir au moins une assemblée publique sur son territoire. Les citoyen-nes peuvent s’attendre à ce qu’un avis public soit publié 30 jours avant l’assemblée publique de consultation, dans un journal diffusé sur le territoire de la MRC. Lors de l’assemblée, les modifications sont expliquées et les personnes qui désirent s’exprimer sont entendues.

Par ailleurs, la population locale peut elle-même proposer à sa MRC la désignation d’un TIAM. Les groupes citoyens mobilisés quant aux enjeux miniers ont tout intérêt à se renseigner sur ce mécanisme.


Quelques chiffres sur les TIAM au Québec 

Selon le site web du MRNF, 18 des 104 MRC du Québec avaient délimité des TIAM dans leur schéma d’aménagement en date d’avril 2024. Naturellement, les MRC fortement urbanisées voient une très forte majorité de leur territoire soustraite à l’activité minière, parfois près de 100%. 

De plus, 28 MRC avaient instauré des suspensions temporaires, en vue de délimiter un TIAM. 

Les périmètres urbains, autres territoires soustraits à l’activité minière

Les «périmètres d’urbanisation» sont aussi des territoires que les MRC délimitent dans leur schéma d’aménagement. Ces périmètres englobent les secteurs déjà urbanisés du territoire régional et ceux dans lesquels la MRC prévoit implanter les nouveaux secteurs d’expansion urbaine.

Depuis la réforme de la Loi sur les mines de 2024, les périmètres urbains  sont «soustraits» à l’activité minière si un avis est publié au RDPRM. Cela signifie qu’ils sont alors automatiquement soustraits à toute nouvelle activité minière, et ce, sans devoir être qualifiés de TIAM par la MRC. 

Attention:  Cet article présente le droit en vigueur au Québec et est fourni à titre informatif uniquement. Il ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprété comme tel. Pour obtenir des conseils juridiques, vous pouvez consulter un·e avocat·e ou un·e notaire. Pour obtenir de l’information juridique, vous pouvez contacter les juristes du CQDE.

Appuyé financièrement par le Fonds d’études notariales de la Chambre des notaires du Québec. Cependant, seul le CQDE est responsable du contenu de cet article.

Merci à Mariya Teodosieva pour sa contribution à cet article.

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