Comme le dit le proverbe: mieux vaut prévenir que guérir. Ce proverbe s’applique sans aucun doute en matière de protection de l’environnement. En effet, il est admis depuis de nombreuses années que les actions prises afin de protéger l’environnement doivent se faire en appliquant le principe de prévention qui a pour objet d’éviter la réalisation d’un risque scientifiquement certain. Toutefois, l’application de ce principe pour protéger l’environnement ne suffit pas toujours. Il peut parfois être nécessaire d’aller plus loin afin d’éviter des risques environnementaux même si ces risques sont incertains. C’est ici qu’intervient le principe de précaution.

Des principes de développement durable

Le principe de prévention et le principe de précaution sont tous les deux des principes du développement durable et se retrouvent dans la Loi sur le développement durable. Cette loi prévoit que l’Administration doit avoir une stratégie de développement durable. Les principes du développement durable doivent être pris en compte dans les décisions prises par l’Administration. 

Selon la Loi sur le développement durable, l’Administration comprend le gouvernement, le conseil des ministres, le Conseil du trésor, les ministères et certains organismes gouvernementaux

Certaines lois indiquent d’ailleurs explicitement qu’elles ont pour objectif d’assurer le respect des principes du développement durable. C’est notamment le cas de la Loi sur la qualité de l’environnement

Le principe de prévention: agir pour empêcher une conséquence certaine

En droit international, la question reste ouverte à savoir si les principes de prévention et la précaution ont atteint le statut de principe à valeur juridiquement contraignante, de même que leur teneur exacte. L’existence d’un « principe » de prévention en droit ne date pas d’hier. Ce concept apparaît pour la première fois dans la Déclaration de Stockholm de 1972 et est repris dans la Convention de Rio de 1992. Le concept avait à l’origine essentiellement pour but de prévenir les situations de pollution transfrontalière en droit international de l’environnement. Son application s’est depuis considérablement élargie. 

En bref, le principe de prévention implique de prendre les mesures nécessaires afin d’éviter un dommage certain si aucune action n’est prise pour éviter ce dommage. Le risque de dommage doit être prévisible, certain et se fonder sur un consensus scientifique ainsi que des preuves claires et convaincantes.

C’est en se fondant entre autres sur le principe de prévention que les États ont adopté des lois encadrant la réalisation d’activités. Ces lois peuvent imposer la réalisation d’études environnementales afin d’évaluer les conséquences d’un projet, imposer l’obtention d’autorisation, fixer des seuils d’émission de contaminants et interdire certaines activités. Au Québec, la Loi sur la qualité de l’environnement et ses règlements encadrent ces aspects essentiels de la protection de l’environnement. 

Le principe de précaution: agir pour empêcher une conséquence possible

Contrairement au principe de prévention qui se fonde sur une preuve scientifique établie, le principe de précaution vise plutôt des situations d’incertitude scientifique : on ne peut alors invoquer de telles incertitudes pour justifier l’absence d’actions correctives. Le principe de précaution implique de ne pas reporter la mise en oeuvre de mesures afin d’éviter que se réalise un dommage grave et irréversible à l’environnement, même si la réalisation de ce dommage demeure incertaine. Ces mesures sont considérées comme provisoires puisqu’elles ne seront maintenues que si des données scientifiques supplémentaires concluent à l’existence d’un risque avéré.

Le principe de précaution met en lumière le fait que l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas empêcher les États de prendre des mesures qui pourraient permettre l’évitement d’un risque grave. On notera que le concept est fréquemment élargi par les commentateurs, par exemple en appelant à la prise de mesures de précaution visant à éviter des risques de dommages incertains. La précaution vise alors à justifier la prise de mesures préventives plutôt que d’être invoquée pour empêcher le report de telles mesures. 

Le principe de précaution – certains diront le principe d’une approche de précaution – est énoncé au principe 15 de la Déclaration de Rio et se lit ainsi: « En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement ».

L’application concrète du principe de précaution

Le principe de précaution sous-tend plusieurs conventions internationales. Par exemple, les négociations sur la Convention de Vienne sur la protection de la couche d’ozone adoptée en 1985, et du Protocole de Montréal qui en a découlé (1987), ont débuté alors que la preuve irréfutable des liens entre les émissions de substances contenant du chlore et la destruction de la couche d’ozone n’avait pas encore été faite. On retrouve cette approché énoncée dans divers autres traités multilatéraux, portant par exemple sur les changements climatiques, la biodiversité, les polluants organiques persistants, les pêcheries ou la pollution marine. On notera tout de même que ces mentions demeurent prudentes, reproduisant strictement l’approche de la Déclaration de Rio, ou évitant d’affirmer un principe de droit international. La présence de ce concept dans plusieurs traités majeurs laisse tout de même penser que ce principe a maintenant été reconnu, tout en posant certaines questions sur son contenu exact.

En droit canadien, en 2001, la Cour suprême du Canada a utilisé le principe de précaution dans l’arrêt Spraytech pour justifier le pouvoir d’une municipalité d’adopter une réglementation sur l’utilisation des pesticides sur son territoire afin de répondre à certaines préoccupations particulières de la population.

Depuis le jugement Spraytech, les tribunaux ont appliqué le principe de précaution à plusieurs reprises.  

Le principe de précaution justifie la prise de décision et la mise en place de mesures afin de protéger l’environnement même sans preuve scientifique absolue. Ce principe s’inscrit de manière efficace dans une action préventive nécessaire et dans les objectifs du développement durable.

Le Centre québécois du droit de l’environnement et le principe de précaution

Au niveau du droit provincial, le Centre québécois du droit de l’environnement a utilisé le principe de précaution dans son action judiciaire afin d’obtenir une injonction interlocutoire pour que cessent des travaux réalisés dans l’habitat essentiel du béluga. 

Au niveau du droit fédéral, le Centre québécois du droit de l’environnement a mis de l’avant le principe de précaution dans son action judiciaire afin de protéger l’habitat essentiel de la rainette faux-grillon à La Prairie et a obtenu une décision favorable de la Cour fédérale pour sa protection.

En droit international, le Centre québécois du droit de l’environnement s’est également appuyé sur le principe de précaution dans son argumentaire dans le dossier Lone Pine. Le CQDE y est intervenu en tant qu’amicus curiae (ami de la cour) afin d’ajouter aux arguments du gouvernement du Canada et de défendre la légitimité juridique de la Loi limitant les activités pétrolières et gazières adoptée par le gouvernement du Québec, le tout à la lumière du principe de précaution en droit de l’environnement.


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