Le terme « injonction » désigne une décision par laquelle un tribunal ordonne à quelqu’un de faire ou de ne pas faire quelque chose. Ainsi, un recours en injonction vise à obtenir une ordonnance judiciaire qui oblige quelqu’un à accomplir une action (on parlera alors d’une injonction mandatoire), ou encore à cesser un acte précis (il s’agira alors d’une injonction prohibitive) pour s’assurer que la loi soit respectée. Agir contrairement à une injonction peut mener à une accusation d’outrage au tribunal.
Le recours en injonction est prévu au Code de procédure civile du Québec mais il existe également une injonction particulière prévue à la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) pour les infractions spécifiques à cette loi.
Notions générales sur l’injonction
Les injonctions peuvent notamment être distinguée selon leur effet temporel :
- L’injonction interlocutoire : Puisqu’il peut s’écouler beaucoup de temps avant d’obtenir une décision du tribunal lorsqu’on intente un recours, l’injonction interlocutoire vise à protéger un droit en attendant que le tribunal dispose de toute la preuve pour trancher définitivement l’affaire. Si l’injonction interlocutoire est accordée par le juge, elle s’applique immédiatement, et ce, jusqu’à la décision finale.
- L’injonction provisoire : S’il y a une urgence immédiate, une injonction interlocutoire provisoire (couramment appelée injonction provisoire) peut être obtenue pour un maximum de 10 jours. Elle peut être renouvelée.
- L’injonction permanente : Après un procès en bonne et due forme, en tenant compte de l’ensemble de la preuve déposée, une injonction permanente peut être rendue. Elle s’applique dès la décision finale du tribunal et, comme son nom l’indique, son effet est permanent.
Ainsi, dans les deux premiers cas, la demande d’injonction est un moyen temporaire qui accompagne une procédure judiciaire plus globale et elle sert à empêcher qu’un préjudice irréparable ne soit commis dans l’attente d’une décision d’un tribunal. Dans le troisième cas, la demande d’injonction permanente constitue la ou l’une des conclusions recherchées comme issue d’un recours judiciaire.
Par exemple, une injonction provisoire ou interlocutoire peut être demandée pour suspendre ou retarder le début de travaux de construction d’un projet qui semble enfreindre des normes environnementales, le temps que le tribunal examine si les normes sont respectées.
En pratique, les trois types d’injonction peuvent être demandées ensemble. Elles sont souvent réunies dans un même acte de procédure qui servira lors des différentes étapes.
Notons que l’ordonnance de sauvegarde est une autre mesure judiciaire qui s’apparente beaucoup à l’injonction provisoire, avec certaines nuances qui ne seront pas abordées dans cet article.
Les critères pour obtenir une injonction provisoire ou interlocutoire
Pour une injonction temporaire (provisoire ou interlocutoire), les critères qui doivent être prouvés sont les suivants :
- apparence de droit : la personne qui demande l’injonction doit démontrer qu’elle a des chances raisonnables de l’emporter sur le fond. Cela signifie qu’il faut exposer en quoi, à première vue, la situation est contraire aux lois applicables. Lorsqu’un enjeu constitutionnel est soulevé, il faut que la question à juger soit sérieuse, c’est-à-dire qu’elle ne soit pas frivole ou futile.
- préjudice sérieux ou irréparable : il faut démontrer que l’ordonnance est nécessaire afin d’éviter qu’un préjudice sérieux ou irréparable ne soit causé, ou pour éviter que ne soit créé un état de fait ou de droit de nature à rendre le jugement final inefficace.
- balance des inconvénients: ce critère consiste à déterminer laquelle des deux parties subira le plus d’inconvénients selon que l’on accorde ou refuse d’accorder l’injonction.
Dans le cas d’une injonction provisoire, il faut également démontrer la présence d’une situation urgente.
Lorsqu’un acte du gouvernement est en jeu, par exemple lorsqu’une loi est contestée, il existe une présomption de validité et il n’est pas simple de la renverser. Le tribunal assumera, sauf preuve à l’effet contraire, que les mesures ont été prises dans l’intérêt du public. Les tribunaux ont tout de même confirmé que le gouvernement n’a pas le monopole de l’intérêt public.
Par exemple, en 2021, une injonction a été obtenue pour la protection de la rainette faux-grillon de l’Ouest afin de suspendre les travaux et les activités susceptibles d’altérer l’habitat essentiel de cette espèce menacée à Longueuil. Le tribunal a jugé que les différentes conditions de l’injonction étaient remplies.
L’injonction en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement
La Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) reconnaît à son article 19.1 le droit de toute personne à la qualité de l’environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent. Ce droit n’est toutefois pas absolu, il ne trouve application que «dans la mesure prévue par la loi», ce qui signifie que sa portée et sa mise en œuvre sont balisés par diverses normes prévues par la Loi.
L’article 19.2 de la LQE prévoit un recours en injonction pour faire cesser tout acte qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte au droit à la qualité de l’environnement prévu à l’article 19.1 LQE. L’article 19.2 se lit comme suit :
Un juge de la Cour supérieure peut accorder une injonction pour empêcher tout acte ou toute opération qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à l’exercice d’un droit conféré par l’article 19.1.
Les tribunaux ont déterminé que cet article peut tout autant servir à faire cesser un acte qu’à forcer une personne à accomplir une action. Ainsi, l’injonction prévue à la LQE peut, par exemple, être utilisée pour demander l’arrêt de travaux ou pour demander la décontamination d’un terrain.
Qui peut la demander?
L’injonction en vertu de la LQE est accessible pour un plus grand nombre de personnes que le recours en injonction ordinaire du Code de procédure civile. La LQE prévoit que «toute personne physique domiciliée au Québec qui fréquente un lieu à l’égard duquel une contravention à la présente loi ou aux règlements est alléguée ou le voisinage immédiat de ce lieu» peut faire une demande d’injonction en lien avec une atteinte aux droits prévus à l’article 19.1 LQE. Le procureur général du Québec et les municipalités le peuvent également.
À cet égard, les tribunaux ont déterminé que le seul fait de fréquenter les lieux concernés ou le voisinage immédiat était suffisant pour qu’une personne puisse utiliser ce recours. Cela est un avantage considérable par rapport au critère beaucoup plus restrictif de «l’intérêt pour agir» prévu au Code de procédure civile.
Bien que l’injonction prévue à la LQE n’est généralement pas ouverte aux personnes morales, les tribunaux ont reconnu à plusieurs reprises que les organismes voués à la protection de l’environnement avaient l’intérêt nécessaire pour intenter ce recours.
Comment l’obtenir ?
Pour demander une injonction en vertu de la LQE, il ne suffit pas de dire qu’une situation met en péril son droit à la qualité de l’environnement. Il faut démontrer qu’il y a non respect de l’un des éléments suivants :
- la LQE;
- un règlement adopté en vertu de la LQE;
- une condition prévue à une autorisation ministérielle, dans une ordonnance ou dans une approbation.
Par exemple, le fait que des travaux aient débuté sans avoir obtenu l’autorisation requise du ministère de l’Environnement constitue une situation relativement simple à démontrer.
Par ailleurs, une injonction peut être demandée pour faire cesser un acte qui serait susceptible de porter atteinte au droit à la qualité de l’environnement, ce qui sous-entend que l’atteinte ne s’est pas encore produite. Dans cette situation, il est nécessaire que la personne qui la demande établisse qu’il existe un haut degré de probabilité que le dommage soit causé. Une atteinte hypothétique ou une simple crainte ne permettraient pas d’obtenir une injonction.
Notons aussi que, dans certains cas, un projet peut porter atteinte au droit à la qualité de l’environnement même s’il a été dûment autorisé par le ministre de l’Environnement. Cela peut se produire si les conditions de l’autorisation ne sont pas respectées. Il peut également arriver que l’autorisation elle-même soit accordée alors qu’elle n’aurait pas dû l’être, ou encore que les conditions qui y sont incluses ne soient pas suffisantes pour protéger l’environnement ou la santé humaine. Dans ce cas, il existe aussi des recours pour demander la révision ou l’annulation d’une autorisation par les tribunaux, qui ont un pouvoir de contrôle quant aux décisions du Ministre. Par exemple, une décision du Ministre jugée arbitraire ou déraisonnable pourrait être annulée. À noter qu’il s’agit d’un recours très exigeant puisque les autorisations ministérielles bénéficient d’une présomption de validité.
Attention: Cet article présente le droit en vigueur au Québec et est fourni à titre informatif uniquement. Il ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprété comme tel. Pour obtenir des conseils juridiques, vous pouvez consulter un·e avocat·e ou un·e notaire. Pour obtenir de l’information juridique, vous pouvez contacter les juristes du CQDE.
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Merci à Myriam Chapdelaine pour sa contribution à cet article.