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06 Mar 2015
La cimenterie McInnis à Port-Daniel a fait l’objet d’une attention soutenue en février. Notre participation au processus judiciaire étant chose du passé, nous souhaitons revenir sur l’intervention des organismes Environnement Vert Plus (EVP) et Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) dans ce dossier qui n’avait rien d’ordinaire. J’y étais aux premières loges en tant que procureur des groupes environnementaux.
Le retrait des groupes environnementaux de la poursuite
Le gouvernement du Québec a déposé le 19 février dernier, une loi visant à confirmer sa décision de ne pas assujettir ce projet à une audience du BAPE, rendant ainsi caduque la poursuite judiciaire entamée en août 2014.
Quelques jours auparavant, EVP et CQDE s’étaient désistés de la poursuite, ignorant que le gouvernement allait présenter une telle loi. En se retirant, le CQDE a négocié avec Ciment McInnis la mise en place d’un processus de médiation qui permettra de jeter les bases d’un nouveau comité de suivi environnemental. EVP s’est retiré de la poursuite sans s’engager à participer à ce processus. En rétrospective, on constate que les groupes environnementaux que je représentais auront été les seuls à faire un gain environnemental, la loi spéciale emportant toutes autres perspectives de gains au plan juridique.
Les implications pour EVP et CQDE de s’allier à un cimentier contre un autre cimentier
Les organismes environnementaux se sont fait reprocher par certains, leur alliance avec un cimentier dans ce dossier ainsi que le financement de leur démarche.
Le CQDE et EVP avaient pesé les pour et les contre d’une telle association avant de déposer une demande en justice conjointe. Les intérêts de Lafarge et des environnementalistes pouvaient être divergents, mais ceux-ci convergeaient sur la nécessité de soumettre le projet de McInnis à une audience du BAPE. S’il y avait eu audience du BAPE sur ce projet, toutes les personnes intéressées ou affectées par celui-ci seraient venues présenter leurs points de vue, des points de vue souvent divergeant d’un intervenant à l’autre. C’est pour permettre ce débat public que nous avions joint nos efforts.
Quant aux frais, il importe de corriger ce qui a été véhiculé dans les médias. Les organismes environnementaux n’ont pas reçu un cent dans cette démarche. Ils étaient toutefois soucieux que leur intervention n’engendre aucun coût direct, n’ayant pas les ressources pour les assumer.
Seule une partie des dépenses encourues a été remboursée par l’industrie, soit un peu plus de 10 000$ pour couvrir divers frais du dossier (secrétariat, photocopies, sténographies, déplacements, assistant de recherche) alors que l’essentiel du travail d’avocat a été réalisé bénévolement, ce qui correspond à plus de 50 000$. Le remboursement de ces débours n’est pas apparu conflictuel, les organismes ne pouvant se permettent de payer ces frais au-delà du travail gracieusement offert par leur procureur.
En s’engageant dans ce dossier, les organismes ont décidé d’être représentés par leur propre procureur, précisément pour conserver leur autonomie. L’autre option aurait été que tous les demandeurs soient représentés par les avocats de Lafarge, cette dernière assumant alors tous les frais. Dans ces circonstances, y aurait-il eu quelques critiques ?
N’y a-t-il pas meilleure preuve de cette indépendance conservée que l’entente que nous avons négociée avec McInnis au seul bénéfice des groupes environnementaux que nous représentions et qui, nous l’espérons, entraînera des gains environnementaux pour le bénéfice des résidents de la Baie des Chaleurs?
Ce dossier fait ressortir un enjeu fondamental du droit : l’accès à la justice environnementale. Les dossiers judiciaires du CQDE ont été pris avec très peu de moyens et en grande partie pro bono. Ce fut le cas dans les dossiers de Ciment du St-Laurent en Cour suprême du Canada, des forages à Anticosti, de la protection de la rainette faux-grillons à La Prairie et dernièrement, du port pétrolier de Cacouna, pour ne nommer que ceux-ci. La réalité est que depuis sa fondation il y a 25 ans, le CQDE n’a jamais reçu de financement pour réaliser ces mandats de représentation des citoyens et des groupes de citoyens devant les tribunaux.
La question mérite ainsi d’être posée : Lorsque l’enjeu en est un de défense du bien commun, comment assurera-t-on les coûts de la justice ? Qui paiera pour protéger le béluga lorsque les gouvernements faillissent à cette tâche?