Les activités posant un risque pour la qualité de l’environnement doivent normalement obtenir une autorisation pour être réalisées légalement. Dans certaines circonstances, une personne intéressée peut demander à la Cour supérieure de vérifier la légalité de la décision d’autoriser ou non un projet.

Au Québec, l’encadrement des activités qui ont des impacts sur l’environnement dépend du niveau d’impacts anticipés, comme l’explique cet article Obiterre

Pour une large étendue de «projets à risque modéré», l’autorisation doit être délivrée par le ministère de l’environnement en vertu de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE). 

Pour certains «projets à risque élevés», c’est plutôt la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement qui est enclenchée, où le ministère de l’environnement analyse la demande d’autorisation mais c’est plutôt le gouvernement du Québec qui prend la décision finale, en général. 

Dans tous les cas, la décision de délivrer ou non une autorisation et de l’assortir ou non de certaines conditions, est: 

  • préalable à la réalisation du projet, c’est-à-dire que l’autorisation doit être obtenue avant le début du projet; 
  • discrétionnaire, c’est-à-dire qu’elle est prise par le ministère ou le gouvernement avec une certaine marge de manoeuvre, selon ce que ce dernier juge être dans l’intérêt public;
  • qualifiée de «décision administrative» et doit donc respecter plusieurs critères dont celui d’être raisonnable et de suivre une procédure équitable pour les personnes concernées (concept d’équité procédurale), sous peine d’être annulée ou modifiée par la Cour supérieure du Québec;

Ainsi, il est possible de s’adresser aux tribunaux pour contester, tenter de faire annuler ou encore exiger la modification d’une autorisation. Cette démarche est possible lorsque a) il y a eu des lacunes dans la procédure ou lorsque b) la décision du ministère ou du gouvernement est «déraisonnable», selon le sens juridique du terme établi par la jurisprudence. 

Il est fortement conseillé d’être accompagné·e par un·e avocat·e pour entreprendre une telle démarche, qui s’ajoute à d’autres options de recours pour empêcher la réalisation d’une activité dommageable pour l’environnement, telle la demande d’injonction. 

Pourquoi et comment obtenir une révision d’une autorisation ?

D’abord, il faut savoir que la personne qui a demandé une autorisation au ministère de l’environnement, par exemple un promoteur ou un exploitant industriel, peut en demander la révision auprès du Tribunal Administratif du Québec (TAQ) dans un délai maximal de 30 jours. Toute personne peut alors intervenir auprès du TAQ et présenter des observations

Dans les autres cas et pour les autres personnes, demander la révision d’une décision du ministre ou du gouvernement exige d’intenter un pourvoi en contrôle judiciaire. Il s’agit d’une procédure par laquelle la Cour supérieure peut, entre autres, déclarer invalide, inopérante ou inapplicable une décision du ministre de l’Environnement ou du gouvernement concernant l’autorisation d’un projet. Cette même procédure permet également à la Cour de forcer l’État ou ses fonctionnaires à prendre une mesure à laquelle la Loi l’oblige

Pour intenter un pourvoi en contrôle judiciaire, un·e citoyen·ne doit  avoir « l’intérêt pour agir», c’est-à-dire une raison suffisante aux yeux de la Cour pour demander le contrôle judiciaire. Les tribunaux ont reconnu que cette exigence d’intérêt pour agir est plutôt souple en matière environnementale. Par exemple, des citoyen·nes du quartier impacté par l’activité autorisée ou un organisme environnemental pourraient avoir l’intérêt suffisant pour agir afin de demander un contrôle judiciaire. Cela dépendra des circonstances de chaque situation.

Pour être recevable, le pourvoi en contrôle judiciaire doit être présenté à la Cour supérieure du Québec dans un «délai raisonnable». Traditionnellement, ce délai est interprété comme une période de 30 jours après la décision.

Le rôle de la Cour

La vaste majorité des révisions d’une autorisation seront tranchées selon la question fondamentale de savoir si la décision du ministre ou du gouvernement était «raisonnable», et non si elle était la meilleure décision possible. C’est ce qu’on appelle la «norme de contrôle de la décision raisonnable». Ce concept exige de la personne qui demande la révision de démontrer que l’autorisation délivrée par le ministère ne respecte pas les caractéristiques que la jurisprudence a établies comme étant «raisonnables».

Notamment, la décision de délivrer ou non une autorisation doit être supportée par une analyse logique ainsi que par une justification transparente. Elle doit prendre en compte les considérations essentielles du projet et de son milieu telle les normes applicables, la preuve qui a été présentée et les témoignages importants. Par exemple, une autorisation qui omettrait de tenir compte d’une étude environnementale serait susceptible d’être considérée déraisonnable.

Attention, toutefois : jamais la Cour ne se substituera au ministre ou au gouvernement pour rendre la décision que ces derniers auraient dû prendre.

Exemple – Dossier Énergie Est

Dans le dossier de l’oléoduc Énergie Est, une demande de révision d’une autorisation ministérielle a été jumelée à une demande d’injonction. Dans cette affaire, le ministère de l’environnement avait autorisé  des travaux de forages dans l’habitat critique du béluga, une espèce menacée, sans avoir obtenu un avis scientifique quant à l’impact des forages sur les béluga alors qu’il savait cet avis nécessaire. Le CQDE a demandé à la Cour supérieure d’empêcher le début des travaux, exposant comment la décision du ministre paraissait déraisonnable.

Le dossier ne s’est pas rendu jusqu’à l’étape de trancher définitivement sur la légalité de l’autorisation. Cependant, la Cour a accueilli la demande d’injonction interlocutoire et ordonné la suspension des travaux et de l’autorisation du ministère en jugeant qu’un «doute important quant au caractère raisonnable de la décision du Ministre» avait été soulevé. Elle a considéré qu’aucun des représentants du ministère ayant travaillé sur le dossier n’avait de connaissances sur les mammifères marins, que le principe de précaution ne semblait pas avoir été pris en compte et que le raisonnement n’était pas adéquatement justifié.


Attention:  Cet article présente le droit en vigueur au Québec et est fourni à titre informatif uniquement. Il ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprété comme tel. Pour obtenir des conseils juridiques, vous pouvez consulter un·e avocat·e ou un·e notaire. Pour obtenir de l’information juridique, vous pouvez contacter les juristes du CQDE.  

Appuyé financièrement par le Fonds d’études notariales de la Chambre des notaires du Québec. Cependant, seul le CQDE est responsable du contenu de cet article.