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06 Mai 2014
Par Me Jean Baril, docteur en droit et administrateur du CQDE
Le Devoir du 24 avril publiait la réplique du porte-parole du projet Oléoduc Énergie Est TransCanada à un article du journaliste Alexandre Shields publié la semaine précédente. Nous n’en sommes qu’aux toutes premières étapes de ce projet gigantesque (un oléoduc de plus de 4000 kilomètres, dont 700 au Québec, incluant la construction d’un terminal pétrolier à Cacouna) et déjà les informations contradictoires fusent de toutes parts, nuisant à la qualité du débat public et des décisions à prendre.
Ainsi, Nature Québec, un organisme rigoureux, a émis, le 21 avril, un communiqué alléguant que TransCanada n’avait pas le permis nécessaire selon la Loi pour la protection des espèces en péril pour opérer des levés sismiques dans la région de Cacouna, en présence possible de bélugas, une espèce menacée au sens de cette loi. Effectivement, le registre public accessible par internet et créé par cette loi fédérale pour indiquer les permis accordés, ainsi que les motifs pour ce faire, n’indiquait aucun permis de la sorte au moment du communiqué. On apprendra alors, par la réaction de l’entreprise, qu’un tel permis avait cependant été délivré le 10 avril. Pourtant, ce n’est que le 22 avril, une fois les travaux débutés, que le registre public indiquera le permis accordé et ses conditions.
Par ailleurs, plusieurs juristes spécialisés en environnement considèrent que le Québec a aussi compétence pour évaluer le projet de TransCanada, tant la partie de l’oléoduc que celle du terminal pétrolier. Plusieurs groupes environnementaux ont demandé, durant la récente campagne électorale, que les partis s’engagent à déclencher la procédure québécoise d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement menant à des audiences publiques du BAPE. Sans réponse. Or, une consultation de divers sites Internet du ministère québécois responsable de l’environnement (dont le nom vient encore de changer) nous apprend que Oléoduc Énergie Est a déposé un avis de projet au ministère concernant le terminal pétrolier de Cacouna ainsi que ses réservoirs de stockage le 4 mars 2014 (même si un des sites du ministère indique 2013…). De même on y lit que ce dernier a remis à l’entreprise, le 26 mars 2014, en pleine campagne électorale, la directive concernant l’étude d’impact à élaborer par le promoteur et qui sera éventuellement soumise aux audiences du BAPE. La population, les médias et même les politiciens n’en ont pas entendu parler! Ni n’ont été consultés sur son contenu…
Que dit cette directive? Oblige-t-elle l’entreprise à documenter les effets de son projet sur l’atteinte des objectifs du Québec sur la question des changements climatiques, comme exigé par de nombreux intervenants? Pour le savoir, il faut déposer une demande d’accès à l’information (ce que le CQDE a fait), puisque ces directives ne sont pas rendues publiques sur les registres du Québec, contrairement à l’Ontario par exemple. Et attendre la réponse, qui ne sera connue que du demandeur, alors que ces questions sont d’intérêt général…
On le voit, les lacunes en matière d’information environnementale nuisent à la qualité d’un débat public respectueux des opinions des diverses parties. Le nouveau gouvernement de M. Philippe Couillard entend promouvoir la transparence et l’accès à l’information. Il aura à décider d’autoriser, ou non, le terminal pétrolier prévu à Cacouna. Souhaitons une réforme rapide et efficace de nos mécanismes d’accès à l’information pour que cette décision soit comprise et acceptée par le plus grand nombre.