Le 12 décembre 2015, à l’issue de deux semaines de négociations intenses, les 196 pays membres de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ont adopté par consensus un nouvel accord international portant sur le climat. Le premier depuis le Protocole de Kyoto conclu en 1997. Que veut dire l’entrée en vigueur de cet accord pour les pays signataires? Quel est son fonctionnement? Quelles sont les répercussions de cet accord ici, au Canada et au Québec?

Une rupture avec le Protocole de Kyoto

Les limites de Kyoto

Le Protocole de Kyoto prévoyait que les parties signataires devaient collectivement réduire de 5% leurs émissions par rapport au niveau de 1990 d’ici 2012. Cette cible fixe a fait en sorte que le Canada s’est désisté lorsqu’il a constaté qu’il n’était pas en voie d’atteindre l’objectif et que les États-Unis ont décidé de ne pas ratifier le Protocole malgré qu’ils l’aient initialement signé. La Russie a également fait preuve de manque de leadership, ne ratifiant le Protocole qu’en 2004.

Leçons tirés pour l’Accord de Paris : fin des objectifs fixes et contraignants

Pour éviter ce manque d’adhésion des plus gros pollueurs, les États ont décidé de changer la forme des obligations contenues dans l’Accord de Paris. Plutôt que de prévoir des cibles fixes, ils ont préféré des objectifs à long terme laissant une certaine discrétion aux États pour déterminer quelles actions mener. Les principes de souveraineté et d’autonomie sont donc largement incorporés dans l’espoir d’atteindre une plus grande effectivité.

Les cibles prévues dans l’Accord de Paris

L’Accord de Paris se démarque par l’absence totale de cibles individuelles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). L’objectif principal de cet Accord est le suivant : le « plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais » et à contenir « l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels ». L’Accord innove en prévoyant l’atteinte de la carboneutralité d’ici la deuxième moitié du 21e siècle, ce qui constitue une cible collective.

Les contributions nationales ou obligations de diligence

Bien que les parties ne doivent pas atteindre un niveau de réduction des émissions de GES en particulier, celles-ci doivent définir une contribution nationale (CDN) à la hauteur de leurs capacités et au meilleur des connaissances scientifiques. Les pays en développement ont donc une plus grande latitude dans leurs contributions respectives par rapport aux pays industrialisés comme le Canada. Tous les cinq ans, cette contribution nationale doit être révisée à la hausse et refléter l’ambition la plus élevée possible. 

Le Canada a donc l’obligation de se fixer des cibles de réduction des émissions de GES et de d’adopter des mesures pour les atteindre. Par contre, l’Accord de Paris ne l’oblige pas à atteindre ces cibles.

Il s’agit d‘une obligation de moyens et non une obligation de résultats, aussi appelée obligation de diligence.

Les cibles canadiennes de réduction des émissions de GES

En 2016, le Canada s’est doté de son plan national sur le climat en adoptant la Déclaration de Vancouver. Cette déclaration rassemble l’ensemble des provinces et prévoit une réduction des émissions de GES de 30% d’ici 2030 par rapport au niveau de 2005. Les provinces s’engagent ainsi à réduire leurs émissions de GES, en vue de permettre au Canada d’atteindre les cibles qu’il s’est fixées dans le cadre de l’Accord de Paris

En 2021, le Canada a présenté une contribution nationale révisée visant une réduction de 40 à 45% ses émissions d’ici 2030, et de net-zéro d’ici 2050. Le 29 juin 2021, le Parlement a également adopté la Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité qui fixe cet objectif. On y prévoit en plus des rôles pour le Groupe consultatif pour la carboneutralité et le Commissaire à l’environnement et au développement durable de surveillance de l’atteinte par le Canada de son objectif de carboneutralité.

Les cibles québécoises de réduction des émissions de GES

Le Québec s’est lui aussi doté de cibles de réduction des émissions de GES. La province prévoit réduire ses émissions de GES de 37,5% d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990 et d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. La Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l’électrification a d’ailleurs été adoptée en octobre 2020 afin de prévoir les bases d’une gouvernance pour atteindre ces cibles.

Les mesures du Canada pour respecter ses objectifs

Depuis la ratification par le Canada de l’Accord de Paris en 2016, le pays a mis en place plusieurs règlements et adopté différentes lois lui permettant d’atteindre ses cibles de contributions nationales successives. 

Adoption de la Loi sur l’évaluation d’impact

Par exemple, en 2019, le Canada a procédé à la réforme du processus d’évaluation  environnementale en adoptant la Loi sur l’évaluation d’impact. Cette nouvelle procédure d’évaluation d’impact, bien qu’imparfaite puisque ne considérant pas l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre causées par un projet, prévoit néanmoins une meilleure prise en compte des effets sur le climat des projets devant se soumettre à ce processus.

Réduction des émissions des secteurs gazier et pétrolier

Différentes réglementations ont aussi été mises en place par le fédéral pour l’atteinte de ces cibles. Le Règlement sur la réduction des rejets de méthane et de certains composés organiques volatils en est un exemple. Il a pour but de réduire en amont dans les secteurs gazier et pétrolier les émissions de méthane, un gaz à effet de serre qui est beaucoup plus puissant que le dioxyde de carbone (Co2)

Adoption de la Loi sur la tarification de la pollution causée par le carbone

Adoptée en 2018 par le gouvernement fédéral afin de mettre en place un système national de tarification des émissions de carbone, cette loi est la mesure phare adoptée par le gouvernement canadien à la suite de l’Accord de Paris. 

Validée par la Cour Suprême au début de l’année 2021, elle rappelle explicitement dans son préambule les engagements qu’a pris le Canada en signant l’Accord de Paris et la volonté du pays d’atteindre ces objectifs. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui a poussé le juge en chef de la Cour Suprême du Canada à citer cet accord international pour confirmer la compétence du gouvernement fédéral en la matière. Bien que les tribunaux n’aient pas directement appliqué l’Accord de Paris dans ce renvoi, il a contribué à leur interprétation de la loi et du contexte dans lequel elle a été adoptée. 

Exemple d’application de l’Accord de Paris par les tribunaux

Dans une demande d’autorisation pour une action collective, les demandeurs ont tenté de s’appuyer sur l’Accord de Paris afin de faire reconnaître les dommages causés par l’inaction du gouvernement fédéral en matière de changements climatiques. Ils alléguaient notamment que les mesures prises par le gouvernement fédéral ont été insuffisantes afin de respecter la cible de limiter le réchauffement planétaire à moins de de 2°C. La Cour supérieure du Québec et la Cour d’appel du Québec ont refusé d’accorder à ENvironnement JEUnesse l’autorisation d’exercer l’action collective et l’affaire sera peut-être portée en appel à la Cour suprême du Canada.

L’Accord de Paris : des paroles à l’action?

L’Accord de Paris, bien qu’il constitue une grande avancée, reste toutefois décevant :

  • Il n’est aucunement mention des effets des énergies fossiles sur l’augmentation des émissions de GES. 
  • Aucune cible individuelle et contraignante n’est prévue, de sorte que les parties sont libres de décider elles-mêmes des cibles à atteindre.
  • L’atteinte des cibles de réduction des émissions de GES n’est qu’une obligation de moyen, laissant aux parties beaucoup de latitude. 

Bref, il semblerait que les signataires aient préféré s’en remettre aux mécanismes nationaux de responsabilisation (politique, judiciaire, etc.) plutôt que d’établir un cadre international robuste. Lors de la toute récente COP 26 tenue à Glasgow, l’utilisation du charbon et les subventions aux énergies fossiles ont été remises en question, mais timidement

Au moment d’écrire ces lignes, la question reste entière, les parties à l’Accord de Paris sauront-elles passer des paroles à l’action?


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