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29 Mai 2020
Le CQDE soutient avec plusieurs centaines de groupes et organisations les 6 principes pour une relance juste. Dans cet esprit, nous rendons public une lettre envoyée au premier ministre du Québec le 6 mai 2020 contenant des recommandations pour une relance ancrée sur un cadre législatif et réglementaire fort et adapté.
Monsieur le Premier Ministre,
Nous tenons tout d’abord à vous témoigner notre appréciation des mesures et démarches colossales entreprises par votre administration, sous votre leadership, pour protéger la population du Québec face à la pandémie.
La situation est sans précédent et les effets de cette crise perdureront encore longtemps. Déjà, des enseignements peuvent toutefois être tirés afin de nous aider à affronter les répercussions négatives de la pandémie ainsi que celles de possibles crises subséquentes. Comme vous l’avez souligné à juste titre, il devient impératif pour l’ensemble de la société québécoise de devenir plus résiliente. Dans cet esprit, nous avons pu être témoins récemment de la capacité de mobilisation et de collaboration d’acteurs québécois de tous horizons en soutien d’une série de mesures visant à assurer une reprise solidaire, prospère et verte, en cohérence avec l’exigence de lutte contre les changements climatiques et contre la perte de la biodiversité.
Pour accompagner ces mesures à caractère économique, l’application rigoureuse de nos lois environnementales et l’adoption d’un cadre législatif fort et adéquat représentent l’une de nos meilleures garanties pour nous assurer un futur sain et stable. Comme en témoigne l’histoire du Québec, le droit a toujours été un puissant et nécessaire outil de transformation sociale : un cadre législatif et réglementaire adapté constitue une prémisse incontournable pour poser les fondations d’une relance économique stable, durable et résiliente.
Fort de cette conviction et dans le but de soutenir une relance pérenne, le Centre québécois du droit de l’environnement souhaite vous transmettre les trois recommandations suivantes :
1. Placer l’environnement au cœur du plan de relance post-COVID
Pour pouvoir s’assurer d’une reprise prospère, il est primordial de placer la protection de l’environnement au cœur des décisions législatives et politiques du plan de relance en commençant par l’inclusion du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) dans le comité de relance ministériel.
Par ailleurs, l’inclusion dans le cadre législatif (notamment au projet de loi 44 abordé ci-dessous) d’un devoir du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques afin que celui-ci doive exercer le rôle de chef d’orchestre dans la mise en œuvre des actions de l’ensemble de l’appareil gouvernemental en matière climatique permettrait au gouvernement d’assurer la cohérence des décisions économiques et de fonder celles-ci sur la science. Cela permettrait de s’assurer que l’ensemble des ministères travaillent à l’unisson pour effectuer le virage vers une transition juste et véritablement durable. Une coordination efficace de l’ensemble des ministères est nécessaire pour faire face à la pandémie : elle le sera tout autant pour répondre aux crises climatique et écologique.
2. Assurer la pleine et entière mise en œuvre du cadre législatif environnemental et renforcer le cadre législatif et réglementaire existant
L’application rigoureuse des lois environnementales représente l’une de nos meilleures garanties pour prévenir des catastrophes sanitaires et nous assurer un futur sain et stable. La crise reliée à la COVID-19 met en relief l’importance d’assurer la mise en œuvre pleine et entière du cadre législatif environnemental existant, notamment la Loi sur la qualité de l’environnement et la Loi sur la conservation des milieux humides et hydriques.
Comme vous le savez et malgré la pandémie, la période de consultation publique entourant le projet de Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement (REAFIE) est en cours. La mouture actuelle du projet de règlement ne permet toutefois pas une prise en compte efficiente des impacts cumulatifs des activités entreprises et autorisées sur le territoire québécois ni des impacts climatiques des activités considérées. Chaque année, ce sont plusieurs milliers d’activités qui sont autorisées sur le territoire. Il est impératif que le MELCC considère les impacts climatiques et cumulatifs des activités considérées avant d’autoriser celles-ci. Le CQDE poursuivra sa collaboration de longue date avec le MELCC et soumettra sous peu des commentaires.
Enfin et trois ans après son adoption, l’article 118.5 de la Loi sur la qualité de l’environnement n’est toujours pas en vigueur. La crise liée à la COVID-19 démontre l’importance, pour assurer l’adhésion de tous les secteurs de la société, que la population puisse avoir un accès à de l’information de qualité qui lui permette de se sentir impliquée et d’agir activement pour protéger sa santé et son environnement. La mise sur pied d’un tel registre public (divulguant notamment les demandes de certificat d’autorisation ou de permis) permettra à l’ensemble de la société de s’impliquer pour assurer la protection de l’environnement.
3. Adopter un cadre de gouvernance climatique et écologique
L’adoption, à la reprise des travaux de l’Assemblée nationale et en temps opportun, d’un cadre législatif de gouvernance climatique et écologique s’appuyant sur la science permettrait de répondre adéquatement aux changements climatiques et à la perte de biodiversité sur le territoire québécois.
Votre administration a déjà posé des jalons importants avec, notamment, le dépôt des projets de loi 44 (Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l’électrification) et 46 (Loi modifiant la Loi sur la conservation du patrimoine naturel et d’autres dispositions).
La crise actuelle, étroitement liée aux crises climatique et écologique, offre l’occasion de bonifier ces chantiers législatifs et réglementaires pour s’assurer de poser les bases d’une nécessaire gouvernance climatique et d’une gestion efficiente de la biodiversité sur notre territoire. Le législateur devrait s’appuyer sur les principales recommandations présentées par le CQDE durant les consultations particulières portant sur le projet de loi 44. Celles-ci s’appuient sur une analyse comparative des meilleures pratiques mondiales et ont fait l’objet d’un large consensus parmi des organisations environnementales, syndicales et scientifiques.
Plus particulièrement, nous recommandons d’inclure dans le projet de loi 44 les éléments suivants :
- L’inscription dans la loi des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre ;
- La mise sur pied d’un comité consultatif sur les changements climatiques compétent
et indépendant ; - L’octroi au ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements
climatiques d’un devoir de mise en œuvre des actions climatiques ; et - La participation du public en mandatant le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) de mener une évaluation environnementale stratégique portant sur la politique cadre sur les changements climatiques.
Cela permettrait de poser les bases d’une gouvernance climatique gouvernementale. Une telle gouvernance viendrait offrir davantage de prévisibilité et de stabilité pour la relance économique en favorisant, notamment, l’adoption de mesures d’adaptation nécessaires permettant d’éviter ou d’atténuer les coûts économiques, environnementaux et sociaux importants associés aux crises climatique et écologique, dont les impacts se font déjà ressentir.
La mise en œuvre de ces recommandations législatives et réglementaires viendrait soutenir une reprise solidaire, prospère et verte pour l’ensemble du Québec.
Soyez assuré, Monsieur le Premier Ministre, de notre entière collaboration afin que l’ensemble de la société puisse sortir de cette crise plus forte et résiliente, prête à affronter les défis importants auxquels nous faisons face.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre haute considération.
Geneviève Paul,
Directrice générale