La COP 28 a débuté depuis un peu plus d’une semaine et il ne reste que cinq jours prévus à l’agenda pour parvenir à un accord. S’il n’est pas encore l’heure du bilan, un état des lieux des négociations peut néanmoins être dressé. Alors que la COP 28 est présentée comme l’une des COP les plus importantes depuis l’Accord de Paris, quelles ont été les avancées à ce jour, quels éléments demeurent en suspens et comment se déroule l’évènement ?

Où en est le bilan mondial ?

Le bilan mondial est le point central à l’ordre du jour de cette COP. Son objectif est de dresser un état des lieux des démarches entreprises par les États depuis l’Accord de Paris en recensant  “tout ce qui a trait à la situation mondiale en matière d’action et de soutien climatiques”. Alors que le seuil de 1,5°C de réchauffement pourrait être dépassé dès 2030, ce bilan devra redresser la barre et définir une nouvelle dynamique internationale dans la lutte contre les changements climatiques.

Un point à retenir est la publication surprise d’un projet de bilan mondial en début de COP. Ce document a permis d’appuyer les discussions entre les États autour de la réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, de l’accélération d’une transition juste et équitable vers les énergies renouvelables ainsi que d’un engagement à augmenter les finances climatiques.

Toutefois, la publication d’une deuxième version du texte, au sixième jour de l’événement, montre que le document a doublé de volume. Les nombreuses options de formulation ajoutées témoignent de la diversité des positions, mais également du travail qui reste à accomplir puisque chaque phrase, chaque mot et chaque virgule doivent faire l’objet d’un consensus. Les négociations avancent, mais courent le risque de s’enliser.

Y-a-t-il des avancées concernant le fonds pertes et dommages climatiques des pays vulnérables ?

Pour rappel, le principe de ce fonds a été adopté in extremis à la fin de la COP 27 en Égypte. Il est destiné à compenser les dégâts climatiques subis par les pays les plus vulnérables. Dès l’ouverture de la COP 28, les États ont convenu de mettre en œuvre le fonds des pertes et dommages. Cette concrétisation constitue une avancée majeure et elle a été largement saluée. Certaines modalités (montant, bénéficiaires, etc.) font toujours l’objet de discussions. Néanmoins les promesses de dons se multiplient à l’instar du Canada qui a annoncé une contribution de 16 millions $.

Contre la volonté initiale des pays du Sud, la Banque mondiale gèrera temporairement le fonds en attendant la création d’un organe gestionnaire autonome. Des points de crispation demeurent. En effet, les pays du Nord veulent que les riches pays émergents et pollueurs à l’instar de la Chine ou de l’Arabie Saoudite contribuent au fonds. Ceux-ci leur opposent une fin de non-recevoir.

Certain·es estiment que ce fonds n’est pas à la hauteur des enjeux. Il n’en demeure pas moins que son adoption en un an est historique. À titre de comparaison, il a fallu 6 ans pour mettre en œuvre le fonds vert pour le climat.

Où en sont les débats autour des énergies fossiles et renouvelables ?

Le président de la COP 28, Sultan Al Jaber, a affirmé que la sortie des énergies fossiles était inévitable. Il estime toutefois que la fin des hydrocarbures n’est pas indispensable pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C. Les négociations sont tendues entre le Nord et le Sud sur le sort des énergies fossiles. L’ébauche de l’accord final débattu actuellement propose trois options possibles concernant leur élimination. La sortie, la réduction ou l’absence de mention de celles-ci. Un large consensus s’est en revanche dessiné sur les énergies renouvelables.

Le 2 décembre, 116 pays, dont le Canada, se sont ainsi engagés à tripler les capacités d’énergies renouvelables à l’horizon 2030. Elles passeraient d’environ 3 400 gigawatts aujourd’hui à 11 000. Dans le même élan, une vingtaine de pays, y compris le Canada, ont appelé à tripler les capacités de l’énergie nucléaire dans le monde d’ici 2050 afin de réduire la dépendance mondiale au charbon et au gaz.

Jusqu’à maintenant, quel rôle ont joué le Canada et le Québec à la COP 28 ?

La délégation canadienne comporte cette année 742 membres, incluant des représentant·es du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux, des Premières Nations, des municipalités, des ONG et des      industries. Comme l’année dernière, cette délégation inclut plusieurs représentant·es du secteur des énergies fossiles. Un panel portant sur la décarbonation industrielle et comportant un représentant de cette industrie a eu lieu au Pavillon du Canada le 5 décembre.

Outre son engagement à tripler sa capacité d’énergie renouvelable et ses annonces sur le plan du financement climatique, le Canada a appuyé, comme 122 autres pays, la Déclaration de la COP 28 sur le climat et la santé. Il s’est aussi engagé dans un nouveau partenariat axé sur l’approche sensible aux genres dans le contexte de la transition juste et de l’action climatique.

Du côté du Québec, le ministre de l’Environnement Benoît Charrette s’est envolé vers Dubaï dimanche, remplaçant le premier ministre François Legault, qui a décidé de ne pas se rendre à la COP 28 invoquant des motifs de sécurité. Le gouvernement provincial a annoncé s’attendre à une entente incluant un plan de sortie clair des énergies fossiles.

Être observateur pour une ONG lors de la COP, qu’est-ce que ça implique ?

Avec un total de 97 372 participant·es sur place (incluant les médias et le personnel) et 3074 participant·es en ligne, la COP 28 dépasse de loin toutes celles l’ayant précédée en termes de participation. De plus, un nombre record de lobbyistes associés à l’industrie du pétrole y assiste, poursuivant une tendance de plus en plus visible dans les dernières années. Victime de son succès, l’évènement rencontre plusieurs enjeux logistiques, dont de longues files d’attente pour accéder au site et aux différentes réunions.

En tant qu’observateur·trices assistant à la COP 28 de façon virtuelle, nous évitons une grande partie de ces difficultés logistiques, malgré quelques enjeux techniques. La plus grande difficulté en tant qu’observateur·trice est de déterminer quels événements seront les plus pertinents parmi les dizaines diffusés en simultané. En effet, les observateur·trice peuvent assister à la majorité des conférences se tenant lors de la COP et à certaines des séances de négociations des parties, bien qu’il ne soit pas possible d’y intervenir directement. 

Conclusion

C’est la dernière ligne droite pour négocier un accord ambitieux qui, en dressant un bilan mondial, donnera une direction renouvelée à l’action climatique internationale. Alors que l’arrivée des ministres de différents États devrait accélérer le rythme des négociations, des éléments cruciaux restent en suspens. Les engagements financiers pour atténuer les changements climatiques et compenser les pertes et dommages en sont un. L’établissement d’un plan clair et ambitieux de sortie des énergies fossiles en est un autre. Dubaï marquera-t-elle une véritable transition dans la lutte contre les changements climatiques ? Nous le saurons dans les prochains jours.

 

Auteurs, chercheur⋅es universitaires participant à la COP en tant qu’observateur⋅trices pour le CQDE

Nessan Akemakou Njinga, postdoctorant à l’Université d’Ottawa

Nessan Akemakou Njinga est chercheur postdoctoral au sein du Forum sur le droit et la
gouvernance de l’eau de l’Université d’Ottawa. Ses travaux actuels portent sur
l’économie bleue et les politiques publiques de gestion des ressources hydriques au sein
de l’Union africaine (UA) et du Canada.

Rachel Nadeau, doctorante à l’Université Laval

Rachel Nadeau est candidate au doctorat en droit à l’Université Laval. Dans le cadre de ses
recherches, elle s’intéresse à la relation entre le droit de l’aménagement et la justice
environnementale.

Alexandre Lillo, professeur au Département des sciences juridiques de l’UQAM

Alexandre Lillo est professeur au Département des sciences juridiques de l’UQAM. Son expertise porte sur le droit public et le droit de l’environnement, avec un accent particulier sur les questions liées à l’eau et aux changements climatiques. Ses travaux de recherche s’intéressent également à la pédagogie universitaire et à l’usage du jeu comme stratégie d’apprentissage et de développement social.