Depuis plusieurs années, l’actualité regorge d’actes de résistance de la part de plusieurs communautés autochtones du Canada face aux projets d’exploitation des ressources naturelles affectant leurs territoires. Cette dynamique s’inscrit dans un contexte d’exploitation massive des territoires, notamment pour leurs ressources pétrolières, minières et hydrauliques, et soulève une multitude d’enjeux entourant les conséquences de la colonisation. Cet article vise à résumer l’obligation des gouvernements de consulter les peuples autochtones au Canada, tout en s’intéressant à l’évolution du droit international sur le sujet.

L’obligation de consulter et d’accommoder en droit canadien

La Constitution est la loi suprême du Canada, comprenant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi constitutionnelle de 1982. L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et affirme les droits existants, ancestraux ou issus de traités, des peuples autochtones. Au sens de la Constitution, les peuples autochtones du Canada regroupent les Premières Nations, les Métis et les Inuit, qui occupent et utilisent le territoire depuis bien avant l’arrivée des premiers colons européens. 

La portée de cet article 35 a été précisée avec la jurisprudence. Dans les années 1980 et 1990, les tribunaux ont reconnu la consultation comme un des éléments découlant de l’«honneur de la Couronne» à l’égard des peuples autochtones. Puis, au début des années 2000, trois décisions de la Cour suprême ont formé le pilier du concept tel qu’on l’entend aujourd’hui. La plus célèbre est la décision Nation Haïda c. Colombie-Britannique rendue en 2004. 

Ainsi, dans certaines circonstances, la Couronne (comprenant notamment les gouvernements du Québec et du Canada) a l’obligation de consulter les peuples autochtones et, s’il y a lieu, de les accommoder. Il s’agit à la fois d’une obligation pour la Couronne et d’un droit pour les peuples autochtones.  

QUI: À qui incombe l’obligation de consulter ? 

L’obligation incombe au pouvoir exécutif des gouvernements fédéral et provinciaux. Il s’agit donc des gouvernements, des ministères et, dans certains cas, des sociétés d’État. La Couronne peut déléguer certains aspects procéduraux de la consultation à des organismes étatiques ou à un tribunal. 

Cependant, elle ne peut déléguer son obligation aux promoteurs de projets.  Bien que ceux-ci bénéficient grandement à s’impliquer dans la consultation et à établir des relations avec les peuples autochtones, c’est la Couronne qui demeure responsable du respect des droits constitutionnels. Par exemple, la Politique de consultation des communautés autochtones propre au secteur minier, publiée par le gouvernement du Québec, favorise le dialogue  entre les entreprises minières, le gouvernement québécois et les peuples autochtones, sans pour autant décharger le gouvernement de ses obligations. 

QUAND: À quel moment naît l’obligation de consulter ?

L’obligation de consulter les peuples autochtones se déclenche lorsque les deux conditions suivantes sont remplies.

  1. Le territoire visé fait l’objet de revendications d’un droit ou d’un titre ancestral connus par la Couronne. Ces revendications peuvent être en cours d’examen, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire que des droits ou titres soient reconnus dans un traité ou par une instance judiciaire. 
  2. La Couronne envisage une mesure (par exemple, l’approbation d’un projet industriel) qui est susceptible d’avoir un effet préjudiciable sur les droits revendiqués.

Puisque la Couronne est la branche exécutive du gouvernement, le processus législatif n’est pas, pour sa part, soumis à cette obligation constitutionnelle. Dans la décision Mikisew Cree First Nation c. Canada (Gouverneur général en conseil), la Cour suprême a précisé que l’adoption des lois n’emporte pas l’obligation de consulter et d’accommoder.   

COMMENT: En quoi consiste l’obligation de consulter ?

L’obligation n’a pas toujours la même portée et il s’agit plutôt d’un continuum. Ainsi, plus la preuve des revendications de titres ou de droits est solide et les atteintes potentielles aux droits sont importantes, plus les exigences de consultation incombant aux gouvernements sont élevées. Des accommodements peuvent aussi être nécessaires pour tenir compte des préoccupations qui ressortent de ces processus. 

L’obligation de consulter est donc appelée à s’adapter aux particularités de chaque situation. Par exemple, des revendications plus marginales pourraient donner lieu à une simple obligation d’informer les communautés concernées. À l’inverse, des revendications fortes accompagnées d’un lourd préjudice potentiel pour les peuples autochtones exigent un processus de consultation plus approfondi. Dans certains cas, la Cour suprême a même reconnu que la Couronne devait obtenir le consentement du groupe autochtone concerné avant de rendre une décision. De manière générale, toutefois, il n’est pas question d’un droit de veto. 

Afin de baliser plus concrètement l’obligation de consultation, les gouvernements se dotent de politiques et de guides, qui ne servent toutefois qu’à titre indicatif. Par exemple, en 2008, le gouvernement du Québec a publié un Guide intérimaire qui visait à informer les différents ministères et organismes gouvernementaux de leurs obligations.  

Quels sont les recours des peuples autochtones lors d’un manquement à l’obligation de consulter ?

Les peuples autochtones peuvent entamer un recours judiciaire devant les tribunaux afin de faire valoir leurs droits lorsque l’obligation de consulter et d’accommoder les peuples autochtones n’a pas été respectée. En cas de violation, le tribunal pourrait notamment ordonner la suspension ou l’interdiction de l’activité, ordonner des consultations plus approfondies, ou encore accorder une compensation financière. Par exemple, dans la décision Innus de Uashat et de Mani-Utenam (Innus de UMM) c. Procureur général du Québec, la Cour supérieure indique que, dans le cadre de la construction d’une ligne de transport d’énergie, le Québec n’a pas respecté son obligation de consulter et d’accommoder. Elle a par conséquent demandé aux parties de reprendre le processus de consultation en vue d’établir si d’autres accommodements sont nécessaires.

Les pratiques des entreprises 

 Les entreprises œuvrant dans divers secteurs industriels, telles l’industrie minière ou bien l’industrie pétrolière, ont développé la pratique de signer des « ententes sur les répercussions et les avantages » (« ERA »). Pour les entreprises, cette pratique permet de sécuriser leurs investissements en minimisant le risque de conflit.

Les ERA ont deux objectifs principaux. Premièrement, elles visent à réduire les impacts négatifs potentiels des activités de l’industrie sur les droits et intérêts autochtones en question, leur territoire et leur mode de vie. Deuxièmement, elles cherchent à prévoir les différents avantages qu’une communauté pourrait tirer des activités menées sur le territoire. 

Il importe cependant de mentionner que les ERA sont des contrats de droit privé et ont par conséquent un caractère confidentiel.

En droit international : la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

En 2007, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). Les États ayant ratifié la DNUDPA s’engagent notamment à coopérer avec les peuples autochtones pour obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé avant de prendre toute mesure susceptible de les concerner. Selon ce concept, le consentement des peuples autochtones doit être « donné librement et en connaissance de cause » et il doit être obtenu « avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires, et autres ressources ». La DNUDPA reconnaît aussi aux peuples autochtones le droit d’obtenir réparation pour les terres et ressources qu’ils possédaient ou utilisaient traditionnellement et qui leur ont été enlevées sans leur consentement.

En 2021, le gouvernement fédéral a adopté une loi visant à intégrer la DNUDPA en droit canadien. Cette loi prévoit l’élaboration, dans un délai de deux ans, et la mise en œuvre d’un plan d’action permettant d’atteindre les objectifs de DNUDPA.


Attention:  Cet article présente le droit en vigueur au Québec et est fourni à titre informatif uniquement. Il ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprété comme tel. Pour obtenir des conseils juridiques, vous pouvez consulter un·e avocat·e ou un·e notaire. Pour obtenir de l’information juridique, vous pouvez contacter les juristes du CQDE.  

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