La Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) accorde de multiples pouvoirs discrétionnaires au ministre de l’Environnement et au gouvernement. C’est le cas, notamment, du pouvoir d’autoriser des projets qui ont des impacts sur l’environnement. 

Qu’est-ce qu’un pouvoir discrétionnaire? 

Lorsqu’un décideur dispose de «discrétion» pour prendre une décision, cela signifie qu’il dispose d’une certaine marge de liberté pour agir ou s’abstenir d’agir, ou encore pour choisir des conditions, en fonction de son appréciation d’une situation. La décision Baker c. Canada, rendue par la Cour suprême du Canada, explique qu’un pouvoir discrétionnaire « s’applique dans les cas où le droit ne dicte pas une décision précise, ou quand le décideur se trouve dans un choix d’options à l’intérieur des limites imposées par la loi » . Ainsi, un pouvoir discrétionnaire est le contraire d’un pouvoir «lié», où la  conduite du décideur est prédéterminée par la loi. 

Le pouvoir discrétionnaire est un pouvoir délégué à l’administration publique et donc, il doit avoir été prévu dans une loi. C’est pourquoi le libellé de la loi est l’outil principal pour déterminer si un décideur a un pouvoir discrétionnaire. Généralement, un pouvoir discrétionnaire est indiqué dans la loi par le mot « peut » ou une autre expression signalant une discrétion comme « selon qu’il le juge nécessaire » ou « s’il estime convenable », alors qu’un pouvoir lié sera plutôt conféré par le terme « doit».

Quelles sont les particularités du pouvoir discrétionnaire?

Le pouvoir discrétionnaire a comme avantage de laisser au ministre, au gouvernement ou aux fonctionnaires qui exercent un tel pouvoir le soin d’utiliser leur expertise et leur jugement pour prendre une décision adaptée à la situation qui se présente à eux. Ainsi, un pouvoir discrétionnaire offre plus de souplesse à l’administration publique qu’un pouvoir lié. Par contre, l’octroi d’un pouvoir discrétionnaire donne moins de certitude au public qu’un pouvoir lié, puisque l’issue de chaque situation pourrait être différente. 

De plus, il est plus difficile de contester une décision de l’administration publique devant un tribunal si celle-ci résulte de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire puisqu’en principe, les tribunaux n’interviennent pas pour imposer leur décision à la place de celle de l’autorité publique. L’intervention judiciaire est possible seulement dans quelques situations exceptionnelles. Notamment, s’il estime qu’une erreur a été commise dans le processus décisionnel, le tribunal peut renvoyer le dossier au décideur pour qu’il recommence l’évaluation de la demande. 

Les principaux pouvoirs discrétionnaires dans le régime d’autorisation de la LQE

Projets soumis à une autorisation ministérielle

Le régime d’autorisation ministérielle, qui s’applique à une multitude d’activités dont les impacts environnementaux sont considérés comme «modérés», repose sur des pouvoirs discrétionnaires du ministre de l’environnement. Cet autre article Obiterre traite des différents niveaux d’encadrement des projets en fonction de leurs impacts.

Sous ce régime, la décision du ministre de délivrer ou non une autorisation ministérielle pour la réalisation d’un projet est discrétionnaire. Bien que la formulation de l’article 22 de la LQE ne soit pas claire à cet effet, les tribunaux ont conclu qu’il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire. La loi prévoit toutefois plusieurs éléments que le ministre doit prendre en considération avant de prendre sa décision

La loi prévoit aussi certains motifs sur lesquels le ministre peut se baser pour refuser de délivrer une autorisation ministérielle. Par exemple, il peut refuser de la délivrer s’il est d’avis que les mesures qui seront mises en œuvre dans le cadre de la réalisation du projet seront insuffisantes pour assurer une protection adéquate de l’environnement  ou encore si le projet serait réalisé dans l’habitat d’une espèce menacée ou vulnérable visée par règlement. Toutefois, comme il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire, il peut décider d’autoriser le projet même si ces circonstances sont rencontrées.

Ensuite, le ministre a une certaine discrétion quant au contenu de l’autorisation ministérielle. Le ministre peut y prescrire toute condition qu’il estime nécessaire pour protéger la qualité de l’environnement ou pour éviter de porter atteinte aux écosystèmes ou au bien-être humain. Il peut même soumettre un projet au respect de normes plus sévères que celles prescrites par règlement dans certains cas, comme lorsqu’il estime que celles en place sont insuffisantes pour respecter la capacité de support du milieu récepteur ou pour protéger les espèces vivantes.

Pouvoir d’adopter des règlements

Le pouvoir d’adopter des règlements a aussi un caractère discrétionnaire. En effet, le contenu d’un règlement est généralement en grande partie discrétionnaire, bien que toujours encadré par une loi. Notons toutefois que l’adoption de règlements par le gouvernement est soumise à une période de consultation publique mais n’est pas débattue à l’Assemblée nationale comme l’adoption d’une loi. 

La LQE prévoit notamment que le gouvernement peut, par règlement, soustraire certaines activités de l’exigence d’obtenir une autorisation ministérielle. Ainsi, certaines activités ne nécessitent pas d’autorisation mais seulement une déclaration de conformité faite par l’initiateur du projet. De façon similaire, il peut aussi déterminer par règlement qu’une activité sera exemptée de l’exigence de demander une autorisation ou de déposer une déclaration de conformité.

Projets soumis à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement

Le régime d’évaluation des impacts, impliquant le Bureau des audiences publiques sur l’environnement (BAPE), accorde aussi au ministre et au gouvernement des pouvoirs discrétionnaires. Ce régime s’applique aux projets qui présentent des risques environnementaux plus élevés.

D’abord, des catégories de projet sont identifiées par le gouvernement via un règlement. Le gouvernement jouit d’une large discrétion dans l’élaboration du règlement mais, une fois celui-ci adopté, les projets identifiés sont obligatoirement assujettis à la procédure d’évaluation de leurs impacts (BAPE). Dans certaines circonstances, sur recommandation du ministre, le gouvernement peut aussi décider, exceptionnellement, de rendre applicable cette procédure à un projet non-identifié par règlement. Ce pouvoir d’exception est de nature discrétionnaire. 

Lorsqu’un projet est assujetti à ce régime d’évaluation des impacts, la population peut demander la tenue d’une consultation publique ou d’une médiation. Le ministre possède alors une discrétion pour ne pas donner suite à cette demande mais celle-ci est balisée. En effet, il peut refuser uniquement s’il juge la demande «frivole», notamment s’il estime que ces mesures ne seraient pas utiles à l’analyse du projet ou s’il estime que les motifs invoqués au soutien de la demande ne sont pas sérieux

Il est également à noter que le ministre de l’Environnement a le pouvoir discrétionnaire de de demander à un promoteur, à tout moment durant la procédure d’évaluation des impacts, de lui fournir plus d’informations, d’approfondir certaines questions ou d’effectuer certaines recherches supplémentaires s’il estime que c’est nécessaire pour évaluer les conséquences environnementales du projet.

Des pouvoirs larges, mais balisés

Ainsi, les pouvoirs discrétionnaires liés à la protection de l’environnement sont nombreux, dans le but de mieux s’adapter à chaque situation, permettant aux décideurs d’utiliser leur jugement et l’expertise des analystes. Ces derniers doivent donc apprécier chaque cas individuellement et s’appuyer, dans la majorité des cas, sur une liste de facteurs plus ou moins précisément définis dans la loi. Ils doivent également suivre des règles procédurales leur imposant par exemple de justifier leurs décisions. 

Lorsqu’un pouvoir est discrétionnaire, on ne peut forcer juridiquement le décideur à l’utiliser d’une manière plutôt que d’une autre. Il est toutefois toujours possible pour la population de fournir des informations qui pourraient influencer l’analyse du décideur. Par exemple, une personne ou un organisme peut fournir au ministère de l’environnement des informations indiquant la présence d’un milieu humide ou hydrique sur les lieux d’un projet afin de mieux l’éclairer dans sa prise de décision.


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