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La loi prévoit que le lit des cours d’eau, soit le canal par lequel l’eau circule, est une propriété de l’État. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il est impossible d’être propriétaire du lit d’un cours d’eau au Québec. Voyons quels sont les pouvoirs de l’État, mais aussi les droits des propriétaires privés, sur les lits des cours d’eau.
Quel est le statut de l’eau au Québec?
Au Québec, toute étendue d’eau d’utilité publique est considérée comme un bien commun. Cette reconnaissance fait en sorte qu’il n’est pas possible de s’approprier une étendue d’eau. Ce caractère commun de l’eau peut être apparenté à une notion de droit international, le «patrimoine commun», qui implique que certains biens, qui bénéficient à l’ensemble de la population, ne peuvent pas devenir la propriété de quelqu’un.
Dans son préambule, la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et favorisant une meilleure gouvernance de l’eau et des milieux associés ( « Loi sur l’eau ») reconnaît le caractère collectif de l’eau et l’appartenance de celle-ci au patrimoine commun de la nation québécoise. Ainsi, c’est l’État québécois qui joue le rôle de « gardien des intérêts de la nation dans ces ressources ». Cet esprit de protection et de conservation de l’eau pour toutes et tous au Québec est à la base du régime législatif qui l’encadre.
La propriété de l’État québécois
Le Code civil du Québec: Principe général
Le Code civil du Québec accorde la propriété du lit des lacs et cours d’eau navigables et flottables, jusqu’à la ligne des hautes eaux, à l’État québécois. Un cours d’eau est considéré «navigable» s’il est possible d’y voyager ou s’il est utilisé dans un objectif de transport ou commercial. Il n’est pas nécessaire que toute l’étendue du cours d’eau soit navigable dans les faits pour qu’il soit considéré comme tel.
La règle est la même pour les lacs et cours d’eau non navigables ni flottables, sauf que dans ce cas il y a des exceptions pour certains terrains achetés à l’État avant le 9 février 1918 par des propriétaires privés. Avant cette date, lorsque quelqu’un achetait un terrain bordant un lac ou cours d’eau non navigable ni flottable, cette personne devenait propriétaire du lit du cours d’eau concerné.
Qu’un lac ou un cours soit navigable et flottable ou non, il est toujours possible que la loi ou un acte de concession prévoie spécifiquement que son lit n’est exceptionnellement pas public. Il existe donc une possibilité qu’un riverain soit propriétaire d’un cours d’eau dans certaines situations, mais de manière générale, le lit des cours d’eau est de propriété publique. Pour connaître la situation du lit d’un cours d’eau précis, il faut se référer aux actes de concession pour s’assurer de la propriété du lit du cours d’eau dans chaque cas.
Soulignons que nous parlons ici de la propriété des cours d’eau et non de l’encadrement des activités qui s’y déroulent. La propriété et les droits civils dans la province sont de compétence provinciale, mais la navigation est de compétence fédérale.
Pour ce faire, il est question de la ligne des hautes eaux à des fins foncières et non environnementales ou biologiques, ce qui ne prend pas tout à fait en compte les mêmes variables.
La ligne des hautes eaux à des fins foncières est celle à laquelle le Code civil du Québec fait référence pour délimiter le domaine hydrique de l’État. Cette même ligne des hautes eaux est utilisée dans l’application de la Loi sur le régime des eaux et le Règlement sur le domaine hydrique de l’État. Cette ligne est tracée par des arpenteurs-géomètres, en conformité avec les instructions de l’arpenteur général du Québec.
Concrètement, la ligne est hautes eaux est établie à l’altitude maximale littorale atteinte par le cours d’eau lorsqu’à pleine capacité, sans pour autant considérer les débordements ou inondations. Si un tribunal est appelé à déterminer la ligne des hautes eaux, il procédera à une analyse des lieux pour s’assurer de tracer la ligne à une hauteur représentative de la réalité, en se fiant, notamment, sur des études du niveau de l’eau et de la végétation présente, de témoignages, de photographies et de statistiques tirées de l’observation du cours d’eau.
Les droits des propriétaires riverains
Bien que le fait d’être propriétaire d’un terrain en bordure d’un plan d’eau n’emporte généralement pas la propriété du lit de cette étendue d’eau, il donne lieu à des droits importants : accéder à l’eau et en profiter.
Les tribunaux ont reconnu que le droit de propriété d’un terrain riverain comprend notamment des droits d’accès, d’usage (navigation, baignade, prise d’eau) et de vue. Le propriétaire riverain peut se servir d’un lac ou un cours d’eau pour ses besoins en évitant de modifier la qualité et de la quantité de l’eau et sans empêcher l’exercice des mêmes droits par les autres personnes qui utilisent ces eaux. Les tribunaux ont également rappelé que l’exercice des droits riverains doit tolérer les inconvénients normaux du voisinage, respecter les exigences de la bonne foi et, plus généralement, respecter les limites au droit de propriété telles les normes environnementales de protection des rives .
Le droit à l’accès à l’eau lorsqu’on n’est pas propriétaire riverain
Il n’est pas rare au Québec qu’un lac, dont le lit est public, soit entièrement entouré par des terrains privés. Quels sont alors les droits d’accès à ce «bien collectif» que sont les étendues d’eau ?
Le Code civil du Québec prévoit que «toute personne peut circuler sur les cours d’eau et les lacs» sous réserve de respecter quatre conditions:
- y accéder de manière légale;
- ne pas porter atteinte aux droits des propriétaires riverains;
- ne pas prendre pied sur les berges ET
- respecter les conditions d’utilisation de l’eau.
Ainsi, si un accès public existe vers le plan d’eau, ou qu’un propriétaire riverain tolère que l’accès ait lieu sur sa propriété, l’accès peut se faire de manière légale, sans porter atteinte aux droits des propriétaires riverains.
Prendre pied sur les berges équivaut à prendre pied sur la propriété des riverains, ce qui n’est pas permis. En d’autres mots, il n’est pas possible, même si l’accès et la présence sur le cours d’eau sont légaux, de débarquer ou d’accoster sur une rive au-delà de la ligne des hautes eaux. À l’opposé, en-deçà de la ligne des hautes eaux, le propriétaire riverain ne peut soulever son droit de propriété en guise d’objection à un empiètement sur la portion qui est la propriété de l’État.
Finalement, les conditions d’utilisation de l’eau sont celles relatives aux normes de sécurité et de protection de l’environnement. Par exemple, on ne peut entraver l’exercice des droits des autres usagers ou porter atteinte à l’environnement.
Comment peut-on avoir accès à ces informations?
La propriété du lit d’un cours dépend donc de plusieurs facteurs, elle peut tout autant être publique (par la loi) que privée (par un acte de concession). Pour s’informer à ce sujet, il est possible de consulter le Registre des lettres patentes foncières, gratuitement, afin de retrouver les actes de concession enregistrés à partir de janvier 2009. Les actes de concession antérieurs à cette date, remontant jusqu’à 1763, peuvent être consultés moyennant quelques frais sur demande d’une copie certifiée de lettres patentes foncières. Pour identifier le propriétaire du lit d’un cours d’eau, il est également possible de consulter le Registre foncier du Québec, avec quelques frais également.
Parallèlement, un avis sur le caractère public du lit d’un lac ou d’un cours d’eau peut être demandé au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs en remplissant un formulaire de requête concernant la domanialité du lit des lacs et des cours d’eau.
Attention: Cet article présente le droit en vigueur au Québec et est fourni à titre informatif uniquement. Il ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprété comme tel. Pour obtenir des conseils juridiques, vous pouvez consulter un·e avocat·e ou un·e notaire. Pour obtenir de l’information juridique, vous pouvez contacter les juristes du CQDE.
Appuyé financièrement par le Fonds d’études notariales de la Chambre des notaires du Québec. Cependant, seul le CQDE est responsable du contenu de cet article.