Montréal, le 13 octobre 2023 La Cour suprême du Canada a rendu ce matin sa décision sur la Loi sur l’évaluation d’impact, remise en cause par le gouvernement de l’Alberta et plusieurs autres provinces. La Cour juge que la Loi est en grande partie inconstitutionnelle, ce qui constitue un recul important pour la protection de l’environnement au Canada. Toutefois, elle confirme que les différents ordres de gouvernement doivent jouer pleinement leurs rôles respectifs eu égard à la protection de l’environnement. Il revient maintenant au Parlement du Canada d’ajuster sa loi pour la rendre conforme à ce jugement et continuer à évaluer et encadrer les aspects fédéraux des projets.

Pour rappel, en mai 2022, la Cour d’appel de l’Alberta a considéré que la Loi empiète sur les compétences provinciales de manière à la rendre inconstitutionnelle et donc invalide. Or, avant cette Loi, de nombreux projets d’envergure (pipelines, mines, barrages, etc.) qui auraient pu être soumis à une évaluation fédérale ne l’étaient pas. La Loi visait à faciliter l’évaluation de plus de projets et la prise en compte de leurs impacts sur possibles sur la santé et la sécurité des communautés locales et des populations vulnérables.

Selon la Cour, la loi fédérale avait une portée trop large. Même pour des projets assujettis à un pouvoir décisionnel final relevant des provinces, la loi visait la réglementation de tous les aspects environnementaux, mais aussi économiques, sociaux et sanitaires des projets. La Cour juge que l’évaluation d’un projet par chaque ordre de gouvernement doit se limiter aux aspects qui relèvent des compétences de cet ordre. Cela cloisonne davantage l’encadrement des projets par les gouvernements.

Selon le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE), intervenu devant la Cour suprême en février 2023 pour défendre la Loi, cette décision marque un recul pour la protection de l’environnement. Si l’évaluation environnementale de projets ou d’activités complexes, aux ramifications multiples, est prise en charge par un seul ordre de gouvernement, le risque pour l’environnement est d’autant plus grand lorsque le projet engendre des impacts relevant de la compétence de l’autre ordre de gouvernement. 

« La Cour reconnaît que tous les ordres de gouvernements ont d’importantes responsabilités environnementales et invite ceux-ci à la coopération, dans le respect du partage des compétences. Face à l’ampleur des crises climatique et de la biodiversité, il est important que les deux ordres de gouvernement exercent pleinement leurs responsabilités  et collaborent pour assurer le meilleur encadrement possible des projets », estime Me David Robitaille, avocat ayant représenté le CQDE devant la Cour suprême.

« Par cette décision, la Cour suprême vient scinder les actions des différents gouvernements comme avec une paire de ciseaux. Or, les compétences en environnement sont interdépendantes et ne peuvent pas s’exercer en silos. Cette scission est en inadéquation avec la réalité des choses. Le CQDE s’attend à une réforme de la loi pour la rendre conforme au jugement, de manière à ce que chaque gouvernement continue à jouer pleinement le rôle qui lui revient dans la protection de l’environnement », ajoute Me Marc Bishai, avocat au CQDE.

D’autres travaux de réformes législatives sont attendus à la suite de cette annonce pour rendre la Loi constitutionnelle. Le CQDE reste à l’affût pour continuer à promouvoir un équilibre dans le partage des compétences fédérales et provinciales.

-30-