Des exemptions injustifiées de l’examen environnemental fédéral pour les projets pétroliers et gaziers, selon des groupes environnementaux

Assurer l’évaluation fédérale des projets à haute intensité carbone est nécessaire si le Canada veut améliorer son ambition sous l’Accord de Paris à la COP 24.

(Ottawa / Montréal) Certains des projets industriels les plus importants et les plus polluants au Canada pourraient obtenir un passe-droit sous la nouvelle loi si le gouvernement se plie aux demandes de l’industrie, mettent en garde certains des principaux groupes environnementaux au pays. Les groupes demandent au Canada d’élargir la liste des projets examinés afin de veiller à ce que les émissions de gaz à effet de serre et autres dommages environnementaux du développement industriel proposés soient minimisés.

Le projet de loi C-69, qui comprend la Loi sur l’évaluation d’impact, a fait l’objet d’un puissant lobbying au Sénat afin d’affaiblir, voire de tuer le projet de loi. Au cours des dernières semaines, les industries pétrolière, gazière et nucléaire ont également commencé à affirmer que leurs projets, qui sont parmi les plus risqués et polluants au Canada, devraient être carrément exemptés de l’application de la nouvelle loi.

En vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact, le gouvernement est chargé d’examiner les impacts positifs et négatifs des projets ayant une incidence sur l’environnement, en tenant compte de facteurs comme la sécurité publique, les droits des peuples autochtones, les changements climatiques et les dommages potentiels qui pourraient être causés aux bassins versants ainsi qu’aux espèces menacées, le tout afin de minimiser les dommages et d’accroître les bénéfices.

Les groupes environnementaux ont dressé une liste complète des principaux projets qui devraient être examinés dans le cadre du projet de loi C-69 si le Canada souhaite atteindre ses cibles climatiques (document en anglais). Les projets identifiés comprennent :

  • Tous les projets qui pourraient émettre plus de 50 000 tonnes de GES par année d’ici à 2030, déclinant à 5 000 d’ici 2040, y compris les projets de sables bitumineux in situ, les cimenteries et les pipelines de pétrole et gaz ;
  • Tous les projets nécessitant un permis en vertu de la Loi sur les pêches et de la Loi sur les eaux navigables canadiennes, y compris les barrages hydroélectriques ;
  • Les projets situés dans les parcs nationaux, les réserves nationales de faune ou d’autres zones fédérales protégées, y compris les nouvelles routes, les pistes de ski et les attractions touristiques ; et
  • La construction ou l’installation de réacteurs nucléaires, y compris de petits réacteurs modulaires.

Citations:

  • « L’objectif de l’analyse d’impact consiste à regarder avant de sauter », a déclaré Geneviève Paul, directrice du Centre québécois du droit de l’environnement. « En cette ère d’urgence climatique et d’urgence pour la biodiversité, nous devons nous assurer de prendre des décisions sages et éclairées qui minimisent les dommages environnementaux et profitent aux communautés. L’analyse d’impact est un outil essentiel pour cela, mais seulement si elle s’applique à tous les secteurs comportant des risques importants. »
  • « En plus de leurs campagnes de désinformation pour tenter de convaincre le Sénat de supprimer le projet de loi C-69 ou d’en atténuer la portée, les groupes de pression de l’industrie agissent maintenant auprès du gouvernement pour faire en sorte que la nouvelle loi ne s’applique pas à certains projets parmi les plus risqués au Canada pour l’environnement », a déclaré Karine Péloffy, avocate-conseil du Centre de droit de l’environnement du Québec (CQDE). « Si l’industrie pétrolière et gazière est exemptée sous le régime fédérale, les émissions de GES du pays dépasseront nos cibles déjà très faibles. Le Canada ne pourra pas respecter ses engagements actuels et encore moins les améliorer, alors que la nouvelle loi aspire minimalement à les soutenir, »
  • « Exempter de l’évaluation fédérale les projets à haute teneur en carbone, comme les sites d’extraction des sables bitumineux, serait ridicule », a déclaré Me Péloffy « C’est comme si on disait que l’on allait étudier l’impact des véhicules sur l’environnement, mais qu’on donnait un laissez-passer aux VUS et aux camions de transport. »
  • Comment la Ministre Mckenna peut-elle affirmer que le Canada va améliorer son ambition sous l’Accord de Paris quand son gouvernement n’a même pas de plan pour évaluer comment réduire la pollution des projets à haute intensité carbone comme les projets in situ de sables bitumineux et cimenteries? » dit Stephen Hazell, Directeur des politiques et avocat à Nature Canada.
  • De plus, ce sont les Canadiens qui paient le prix lorsque des projets très polluants ne font pas l’objet d’un examen adéquat », a déclaré Patrick DeRochie, responsable du programme climat et énergie à Environmental Defence. « Nous avons récemment appris que la facture pourrait s’élever jusqu’à 260 milliards de dollars pour nettoyer et réparer les dégâts de l’industrie pétrolière et gazière en Alberta. Une évaluation rigoureuse, fondée sur des preuves, constitue la première étape pour prévenir ce type d’échec de la législation. »
  • « Le Canada a besoin de lois environnementales adaptées au XXIe siècle » affirme Lindsay Telfer, Directrice nationale de l’Alliance canadienne d’eau douce. « Nous ne pouvons pas nous permettre que le gouvernement fédéral ferme les yeux sur des projets qui posent de sérieux risques pour l’eau potable et la sécurité des communautés. »
  • « Il est stupéfiant et inacceptable que la Commission canadienne de sûreté nucléaire compte sur le lobbying de l’industrie nucléaire pour exempter de l’évaluation les soi‑disant petits réacteurs modulaires, d’autant plus que ces réacteurs n’ont pas encore été déployés au Canada et demeurent une nouvelle technologie », a déclaré Stephen Hazell, Directeur des politiques et avocat à Nature Canada
  • « Les évaluations environnementales devraient nous aider à atteindre nos engagements internationaux pour éviter un désastre climatique », a dit Joshua Ginsberg un avocat chez Écojustice. Nous ne pourrons pas réaliser nos ambitions pour lutter contre les changements climatiques sans évaluer sérieusement tous les projets à plus forte intensité carbone, incluant les projets in situ de sables bitumineux. 

Pour plus d’informations, contactez :

Karine Péloffy | Avocate-conseil, Centre québécois du droit de l’environnement

514-746-6597 (tél. cell.)

k.peloffy@gmail.com (courriel)